Impressions d'Afrique du Sud (février 2020 / Septembre 2021)
L'Afrique du Sud est un pays qui ne m'a jamais véritablement attiré. Trop développé, trop grand, trop risqué, je m'imaginais un espace vaguement hostile correspondant mal à mes centres d'intérêt. Pourtant, il s'est imposé comme l'une des pièces maîtresses de ce second tour du monde, pour des raisons logistiques au départ. Le meilleur transport maritime possible pour Oscar (en Roro direct d'Europe) arrivant en plein milieu de la ligne de côte sud-africaine, il devenait obligatoire de traverser ensuite une bonne partie du pays pour gagner les zones animalières ou désertiques les plus intéressantes (Namibie, Botswana). L'Afrique du sud tenait donc d'abord le rôle d'un pays de transit, mais puisque la route était longue et le climat a priori favorable, nous avons cherché à retourner la contrainte initiale en opportunité, et étudié de plus près ce qu'il était possible de découvrir sur le trajet, en cours de route.
Nous avons alors découvert que le pays était tout à fait adapté à notre niveau d'indépendance possible. Avec Oscar, qui n'est pas un véritable 4x4, nous ne pouvons en effet pas envisager de nous aventurer sur des pistes très difficiles comme il y en a beaucoup au Botswana, par exemple. Au contraire, l'Afrique du sud propose toute une gradation de parcs et itinéraires de différents niveaux, en commençant pour les plus simples par des routes goudronnées, y compris dans certaines réserves animalières. De plus, il existe un système de réservation centralisé efficace, des campings fonctionnels à l'intérieur des parcs (permettant des sorties à l'aube ou au crépuscule), et un système d'abonnement annuel (la Wild Card) rendant le self-drive relativement facile et économiquement accessible, au contraire de ce qu'on observe au Botswana, par exemple, qui a choisi de développer surtout les parcs privés de haut de gamme.
L'Afrique du Sud s'est donc finalement présentée comme une excellente destination pour commencer notre "road trip" en Afrique australe. Après des débuts hésitants, dans l'environnement semi-urbain d'East London puis le long des dunes de Port-Alfred, nous avons trouvé nos marques rapidement lors des premiers safaris en self-drive, notamment à Addo, Mountain Zebra NP, puis plus tard Augrabies. Un court détour par la surfaite Garden Route nous a rapidement remis dans le droit chemin de nos préférences, et les grandes étendues du Baviaanskloof, du Karoo ou du Cederberg ont mieux convenu à nos attentes et à nos moyens.
Nous n'aurons rien vu de véritablement spectaculaire lors de ce premier passage en Afrique du Sud, à l'exception notable des troupeaux d'éléphants d'Addo, mais nous aurons pu savourer l'ambiance tranquille des petits bourgs ruraux, la vie locale simple des fermiers et propriétaires de campings, le temps distendu des espaces semi-déserts et des massifs montagneux restés largement sauvages, la coexistence très pacifique des Blancs et des San Khois dans le Nord-Ouest.
Une journée tranquille à Mountain Zebra NP
Bizarrement l'aspect du voyage que nous aurons préféré dans cette région tient à une dimension à laquelle nous n'accordons en général pas une importance considérable: la dimension culturelle au sens large, disons l'atmosphère ou la base habituelle des relations entre les gens, la façon de se comporter, le mode d'être. Certes les Sud-Africains ne sont pas des enfants de choeur, bien sûr la dimension raciale reste présente en arrière-plan des attitudes, mais au moins, à la différence de ce à quoi on s'habitue malheureusement de plus en plus en Occident, les gens restent libres, libres de construire une grange, de porter une arme, de penser ce qu'ils veulent, d'aménager leur véhicule comme ils le veulent, etc. Les problèmes du pays (santé, éducation, corruption) sont réels mais ils sont connus et peuvent etre discutés sans langue de bois, et dans les provinces reculées ils prennent moins d'importance, ils passent au second plan derrière les contraintes et les opportunités de la vie locale.
Malgré tout, la situation économique se dégrade lentement, la classe politique ne me semble pas dans l'ensemble apte à améliorer la situation, même si le pays est dirigé par un Président (Ramaphosa) plus talentueux que ses prédécesseurs. Le parallèle avec l'Algérie s'impose. Le parti au pouvoir, l'ANC, vit sur une sorte de rente de situation post-coloniale fondée sur la figure commode du colon Blanc faisant office de bouc-émissaire, et semble plus soucieuse de maintenir ses privilèges que de s'attaquer aux vrais problèmes, au prix d'une exacerbation de tensions ethniques n'offrant aucune solution réelle aux questions sociales menaçant de se dégrader pour des raisons démographiques et migratoires. Les Blancs en ayant encore les moyens encouragent leurs enfants à émigrer au Canada ou en Australie, provoquant un brain drain de nature à dégrader la situation; mais beaucoup choisissent de rester car, comme me l'a dit un entrepreneur SudAf sympathique, expérimenté et nanti, rencontré au Botswana "We are Afrikaners, we don't give up". Au contraire, des populations Noires non qualifiées venant d'autres pays africains à la natalité non maîtrisée (Zimbabwe, Grand Confinement) exercent une pression économique et culturelle sur les régions déjà trop urbanisées des anciens Bantoustans.
De ce point de vue, l'Afrique du Sud peut être considérée, au même titre que le Maroc, la Turquie ou le Brésil, comme l'un des pays essentiels à analyser pour se faire une idée de l'avenir du monde, une sorte de banc d'essai éopolitique où se teste une formule (celle, contradictoire, de la Nation Arc-en-ciel où subsiste en fait un apartheid de fait) certes théoriquement compatible avec la doxa de la société ouverte, mais probablement impossible à mettre en oeuvre avec succès.
Nous en garderons pour notre part l'image d'un pays très vaste, accueillant, doté de bonnes infrastructures, économiquement actif mais socialement fragile, à l'avenir politique indéterminé. Pas vraiment un pays d'Afrique, une sorte de continent un peu à part, à la fois géographiquement et historiquement, un ailleurs inattendu et incertain.
*** addendum Spécial Confinement ***
Nous sommes revenus en Afrique du Sud à l'occasion du confinement (lockdown) décidé peu après la fermeture des frontières dans le pays, dans le contexte général de la pandémie mondiale de coronavirus. L'information nous a atteints alors que nous étions sur la route du parc Kruger, à quelques dizaines de kilomètres de l'entrée. Nous nous sommes alors résolus à faire demi-tour et à revenir à un lodge/campsite que nous avions déjà fréquenté à l'aller, le Twana Lodge, qui allait devenir notre lieu de résidence pour une durée indéterminée.
Après de nombreuses péripéties nous ayant amenés à nous rendre plusieurs fois à l'aéroport sans succès dans l'espoir contradictoire d'un possible rapatriement en France, nous nous sommes retrouvés à treize personnes et quatre chiens en huis-clos pour le meilleur et pour le pire. Nous y avons fait de l'exercice matinal (piscine et petite course à pied), de la mise à jour sur les réseaux sociaux, et de la préparation de repas partagés avec nos compagnons de galère, tout en surveillant attentivement les chiffres de l'épidémie pour définir la meilleure marche à suivre...
Un à un, les voyageurs bloqués dans le pays ont fini par partir, et nous sommes quasiment les seuls à être restés sur place dans un objectif de voyage. Cet épisode imprévu a débouché sur un changement de programme complet pour les mois suivants, et une transformation d'un projet touristique encore relativement classique en voyage absolument original et inattendu, relaté ici.
*** addendum Spécial retour en Afrique du Sud en 2021 ***
Du fait de l'impossibilité de nous rendre comme prévu en Amérique du Sud en 2021, pandémie mondiale de Covid oblige, nous sommes revenus plusieurs semaines dans le pays à partir de janvier 2021. Nous avons retrouvé avec plaisir plusieurs des personnages qui avaient été d'importantes figures de notre voyage de l'année précédente, notamment Mathieu, notre grand camarade de confinement, la famille d'Arne à Twana Lodge près de Prétoria où nous étions restés bloqués plusieurs semaines, notre "famille sud-africaine" avec Dupie et Marianne, étrangement séparés depuis alors qu'ils nous avaient paru si complices quelques mois plus tôt, mais qui ont tout de même insisté pour nous présenter leurs enfants, mais aussi Milena et Paulo, rencontrés auparavant au parc Kruger, et jusqu'à Françoise et James, croisés au Kruger également et retrouvés chez eux à Phalaborwa, ou Josie du Toit, dont nous avions fait la connaissance à Vervet Monkey Foundation. Le monde est petit quand on garde le contact...
Après avoir refait, pour le plaisir, une petite incursion au parc du Pilanesberg, qui nous a confirmé tout le bien que nous en pensions, en passant au passage découvrir la ferme/réserve servant de base arrière à Mathieu, nous avons profité de ce retour imprévu en Afrique du Sud pour découvrir la partie Est du pays, que nous avions ignorée un an plus tôt.
Pour des raisons tenant à mon intérêt politique pour ce projet, nous nous sommes d'abord dirigés vers Orania, petite communauté Afrikaner au sujet de laquelle nous avons produit une vidéo et un texte d'explication spécifiques.
Ensuite, nous nous sommes dirigés vers l'Océan indien pour atteindre la zone qu'on appelle localement la "Wild Coast", dont certaines plages sont (assez difficilement) accessibles par des routes/pistes en mauvais état. Notre route nous a amenés à découvrir les plus hauts sommets d'Afrique Australe, dans le haut Drakensberg, après avoir échoué à entrer au Lesotho pour cause de pandémie. A ce moment de notre parcours, nous avons essuyé une vague de mauvais temps, phénomène assez fréquent en ces mois de février/mars qui closent la saison des pluies. Marche avant, marche arrière: il n'y avait rien à faire, et nous avons seulement tenté de nous glisser dans le trou de souris d'une fenêtre de beau temps prévue pour notre randonnée vers la célèbre falaise de l'amphithéâtre et les chutes de Tugela: mal nous en a pris, nous nous sommes retrouvés en fâcheuse posture, pratiquement perdus dans la montagne et sous la pluie, et nous n'avons dû notre salut qu'à l'aide apportée, par la communication du seul point GPS de sortie du plateau, par deux jeunes randonneurs rencontrés la veille et retrouvés par hasard dans un refuge abandonné.
Cherchant à contourner le mauvais temps, nous avons également contourné le Lesotho, où nous n'avons pas réussi à pénétrer officiellement malgré plusieurs tentatives: le Covid nous l'a interdit. Nous nous sommes consolés en réussissant dans la même journée, celle de notre dernière tentative, à poser tout de même le pied dans ce petit pays (illégalement!) en traversant un torrent à pied, puis en franchissant un col spectaculaire (Lundean's Nek pass, réservé aux 4x4, ce que nous ignorions) pour ce qui restera l'un des plus grands exploits d'Oscar sur ce voyage.
De Coffee Bay à Margate, nous avons découvert quelques endroits sympathiques voire spectaculaires (Hole in the Wall, aérodrome de Port St Johns), mais dans l'ensemble l'endroit ne nous a pas semblé à la hauteur de la réputation dont il jouit dans les guides et sur les forums de voyage. Les accès à la mer, en particulier, sont peu nombreux et ne permettent pas véritablement de profiter des plages. Les déferlantes découragent le bain de mer, l'absence d'infrastructures ne permet pas de laisser ses affaires sur le sable en toute décontraction, et si certains campings/auberges sont sympathiques et bien tenus, il existe aussi une nette séparation entre les voyageurs et la population locale, abondante et pauvre, qui rend impossible ou à tout le moins déplacé l'hédonisme décontracté qu'on peut imaginer sur les plages d'Europe.
Qu'à cela ne tienne: nous avons poursuivi notre route vers le Swaziland, où nous avons passé trois jours en ayant le sentiment d'être les seuls touristes étrangers sur place (sentiment confirmé en ce sens que nous n'en avons en particulier rencontré aucun dans les deux plus grands parcs nationaux que nous avons visités).
En route vers le Swaziland, nous avons également parcouru la zone côtière la plus au Nord-Est de l'Afrique-du-Sud, notamment au départ de la petite ville de Sainte-Lucie, qui nous a servi de base pour deux parcs naturels importants: iSimangaliso et Hluhluwe; là encore, les plages nous ont paru décevantes, et les parcs naturels, quoique vastes et agréables, tout de même nettement en-dessous du Kruger ou du Pilanesberg.
Enfin, après le Swaziland, nous avons regagné le parc Kruger en passant par la jolie route forestière offrant de belles vues sur Barberton, avant de nous engager vers le parc Kruger pour y passer deux bonnes semaines: l'occasion pour nous de parcourir beaucoup plus en détail la région de Lower Sabie, où nous pouvions passer la nuit en camping contrairement à l'année précédente, et de nous aventurer jusqu'à Shingwezi vers le nord. L'occasion, aussi, de varier les styles de visite, entre rencontres plus ou moins improvisées (et même dépannage) avec Milena et Paulo, safari à pied privé en compagnie de rangers du parc, et nuit en abri solitaire surplombant un point d'eau semé d'hippopotames et de crocodiles.
C'est la situation sanitaire qui a décidé de notre sortie du pays. Nous commencions à approcher de la date théorique de fin de validité de notre visa (90 jours) lorsque la frontière avec le Mozambique a rouvert, moyennant le passage d'un test PCR qui pouvait se faire sans trop de difficulté. C'est donc le premier avril que nous avons quitté le pays pour le Mozambique, pays presque entièrement fermé au tourisme depuis le début de la crise, que nous allions pouvoir découvrir plus d'un an après la date envisagée dans notre plan initial.
Les "J'aime/J'aime pas" de Manu en Afrique du Sud
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Si c'était à refaire:
Photos et vidéos d'Afrique du Sud (février 2020)
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