Impressions de Namibie (mars 2020 et juin 2021)

La Namibie, c'est un pays qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Ce n'est pas surprenant, c'est aussi un pays "tendance", une destination à la mode dans la catégorie du voyage moyen ou haut-de-gamme, avec une série de formules allant de la plus indépendante à la plus organisée. Mais c'est surtout pour des raisons évidentes tenant à la beauté des paysages et à l'ouverture des grands espaces que ce pays s'est imposé comme l'une des pièces maîtresses de notre itinéraire en Afrique Australe, aux côtés du Botswana et de l'Afrique du Sud (et il a même été l'une des raisons principales de ce voyage). Beaucoup de nos proches y étaient déjà passés ces dernières années, c'était à notre tour de les rejoindre, mais à la sauce de notre mode de voyage particulier, au long cours, avec le confort accru mais les capacités de franchissement limitées offertes par notre brave Oscar.

Nous avons franchi la frontière du pays à plusieurs reprises. La première fois, c'était en route directe de l'Afrique du Sud, au bout de cette Nationale 7 qui remonte loin vers le nord au travers des massifs désertiques, au milieu des vignes, puis des herbages clairsemés, puis des champs de cailloux et montagnes arides. Cette option nous a permis d'atteindre la région spectaculaire des canyons et rivières du sud namibien (Orange River, Fish River Canyon), un peu isolée du reste du pays que nous avons à ce moment remis à plus tard. C'était un assez gros effort de déplacement, un crochet de plusieurs jours au détour de la route plus directe qui, en Afrique du Sud, nous aurait amené plus facilement à visiter le Kgalagadi, notre dernier parc Sud-Africain de l'ouest.

Ce détour a-t-il répondu à nos attentes? Je répondrais sans doute que oui, mais sans excès. Le Fish River Canyon (le second plus grand du monde après celui du Colorado, d'après certaines brochures) est en effet spectaculaire, mais nous l'avons atteint à un moment où la température, déjà normalement très élevée en cette saison, avait encore augmenté, et de ce fait il n'était pas souhaitable ni même seulement possible de passer du temps dans le canyon, de le découvrir en y randonnant un peu par exemple. La seule possibilité résiduelle était de se rendre par la route à un nombre limité de points de vue (deux ou trois), et cette seule possibilité a été un petit peu gâchée, dans notre cas, par les conditions météo, le temps ayant oscillé entre couverture nuageuse lourde, orages lointains et tempête de sable.

Oscar face au plus grand canyon d'Afrique

Le passage par Orange River a été plus souriant, champêtre, presque printanier. Nous avons fait là nos premières expériences, très réussies, de camping sauvage en isolement presque total. L'étape près de la rivière était pure et rafraîchissante, la piste un peu difficile (premier ensablement avec dégagement au moyen de pelles et des plaques) mais pas trop, le temps ensoleillé et chaud. Nous avons eu un sentiment de liberté et de sécurité, et si les vues étaient moins impressionnantes qu'au Canyon, la simple soirée près de la rivière, avec bains à volonté et barbecue sous les étoiles, suffisait à elle seule à justifier l'ensemble.

Après cette première incursion, nous sommes retournés en Afrique du Sud, puis nous sommes revenus en Namibie une seconde fois, pour une durée d'environ trois semaines. Ce second passage était très différent du premier dans ses conditions de réalisation, puisque nous l'avons partagé en grande partie avec ma fille Iris et son compagnon Rémi, venus spécialement de France nous rejoindre pour l'occasion. L'itinéraire défini alors a davantage ressemblé aux itinéraires-types des opérateurs touristiques, avec passages classiques par Walvis Bay et Sesriem, mais notre expérience préalable des campings locaux nous a tout de même permis de rester à l'écart des flux touristiques majeurs, et nous avons pu, par exemple, nous retrouver absolument seuls dans les "vleis" désertiques de la vallée de Sesriem (je parle des ces zones arides semées d'arbres morts au milieu des dunes, dont on voit les photos sur tous les documents publicitaires de cette région).

Nous avons également répété avec bonheur quelques expériences de camping sauvage, notamment au milieu du désert après des slaloms improbables entre les dunes, et ces moments d'aventure se classent sans nul doute tout à fait au sommet de nos souvenirs de voyage, par l'incertitude et la joie de la découverte et le sentiment d'absolue exclusivité de ce genre d'exercice, aux antipodes exacts des possibilités offertes par le tourisme de masse. Il est en fait logiquement impossible d'imaginer leur généralisation, et si l'opération est donc plus Nietzschéenne que Kantienne dans son intention, elle n'en est pas moins -au contraire- diablement jouissive.

Nous avons dans l'ensemble consacré beaucoup d'énergie à improviser, au jour le jour, un itinéraire évitant les orages violents traversant le centre et le nord du pays pendant toute la période où nous nous y trouvions, et nous n'avons malgré nos efforts jamais trouvé le bon moment pour monter jusqu'au parc d'Etosha. En revanche, nous n'avons presque pas eu de pluie, et au contraire de la plupart des autres voyageurs sur place au même moment, nous ne sommes jamais trouvés bloqués par une piste détrempée ou rendue impratiquable à l'exception d'une seule occasion, lors de notre retour du Naukluft vers le Kalahari.

Nous avons terminé notre parcours avec Iris et Rémi aux confins du pays, près de la frontière Sud-Africaine, dans un joli parc animalier privé (Kalahari game lodge) où nous avons notamment pu voir des lions dans de bonnes conditions, peu après avoir pu côtoyer des guépards dans un tout aussi joli parc privé, assez haut-de-gamme, au centre du pays (Lapa Lange). La question est certes discutable de savoir s'il est bien ou mal, du point de vue de la protection animale, de contribuer au développement de réserves privées qui participent aussi d'une certaine manière à une forme de trafic d'animaux sauvages, mais enfin dans le cas des guépards, la situation doit être nuancée. Les guépards se domestiquent bien, et depuis longtemps, et ce serait toute la question des animaux de compagnie qui serait posée si l'on devait interdire par principe le genre de situation de dépendance à l'être humain dans lesquelles se retrouvent les animaux privés de liberté.

Enfin, après avoir ramené nos deux jeunes compagnons à l'aéroport de Windhoek, nous avons encore passé quelques jours dans le pays, mais au repos cette fois. Avec une épaule si douloureuse qu'il m'était devenu impossible de conduire ou de prendre des photos, continuer à voyager n'avait plus beaucoup de sens, et je suis donc allé à la clinique pour me faire soigner (antalgiques puissants et écharpe de blocage). Parallèlement, Oscar a lui aussi fait une escale technique dans un garage de la capitale, pour l'entretien courant mais aussi pour résoudre quelques problèmes plus graves, au niveau des suspensions avant et du compteur kilométrique qui ne fonctionnait plus. Cette poignée de jours s'est déroulée dans un endroit au look sympathique mais moins convivial que les campings plus familiaux que nous avions l'habitude de fréquenter, un espace bien aménagé autour d'une piscine minuscule et un peu froide, quelques voyageurs au long cours que nous n'avons pas vraiment fréquentés, allez savoir pourquoi, et un mur d'enceinte régulièrement patrouillé par les gardes, même de nuit, nous rappelant que l'environnement -une station service et un petit centre commercial à quelques centaines de mètres, accessibles par une route sans boutiques, n'était pas totalement sécurisé. C'est d'ailleurs là que nous avons vécu la seule tentative de vol de notre voyage, un aimable passant en costume/cravate nous ayant signalé que nous devions payer un ticket de stationnement... au distributeur de billets de banque local, après avoir tapé notre code. Devant mon refus, il s'est fait plus pressant, avant de prendre la fuite après l'intervention de quelques autres personnes mieux intentionnées.

Une fois l'épaule et le véhicule à peu près réparés, nous avons ajusté nos plans. Pensant revenir un peu plus tard dans le pays, et désireux d'avancer dans notre parcours, nous avons foncé droit vers l'Est, et atteint la frontière du Botswana deux jours plus tard. Nous avons traversé des zones semi-agricoles, tout était calme et peu spectaculaire, puis nous avons franchi la frontière, sans difficulté, pour nous rapprocher du delta de l'Okavango dans un nouveau pays plein de promesse: le Botswana.

* * *

Plus d'un an plus tard, soit en juin 2021, pour cause de chamboulement de nos plans du fait du Covid, nous sommes revenus plus longuement en Namibie, pour un voyage plus long et plus complet. Nous sommes repassés assez brièvement par certains des points que nous avions visités en 2020 (Swakopmund, Walvis Bay, Solitaire), mais dans l'ensemble notre itinéraire, insistant sur la partie Nord, a été très différent.

Pour commencer, nous sommes entrès par la bande de Caprivi, soit le point diamétralement opposé de notre entrée précédente. Cette première étape, de quelques jours, nous a permis de découvrir la seule zone véritablement humide du pays, entre marécages et fleuves au débit irrégulier (Zambeze, Okavango, Kunene). Certains petits parcs de cette région nous sont restés inaccessibles du fait de la boue trop abondante pour Oscar, mais nous avons pu faire une jolie excursion en canoe sur le Zambeze, accueilis à notre retour, tout près du camp, par un crocodile jusqu'alors invisible...

Après nous être éloignés de la zone Chobe/Zambeze, soit environ deux jours de route à traverser de nombreux et paisibles villages de cases traditionnelles, nous avons visité un parc peu fréquenté et jouissant d'une bonne réputation, le parc de Mahongo. Franchement, nous n'avons pas été éblouis. Un peu comme à South Luangwa, nous avions certes le sentiment d'être à peu près seuls dans le parc, mais la densité animale n'était pas exceptionnelle, la variété assez moyenne (nous avons surtout vu des antilopes, les buffles et les éléphants étaient trop loin pour être observables dans de bonnes conditions) et surtout les seules pistes autorisées très courtes, ce qui nous a contraint à faire seulement deux ou trois allers-retours dans la même zone avant de ressortir en fin de journée. C'est finalement une expérience qui nous a un peu rappelé, de façon atténuée, les parcs de Manyaleti en Afrique-du-Sud (encore moins fréquenté) voire de Hlane en Eswatini (presque vide).

En revanche, et de manière inattendue, nous avons entamé là, à l'extrémité Ouest de la bande de Caprivi, l'une des plus intéressantes séquences culturelles de notre voyage en Afrique. J'avais eu connaissance par IOverlander de l'existence, non loin de là, d'un camping local en bordure de ce qui était appelé un "living museum", soit une sorte d'écomusée à vocation ethno-culturelle. Ayant remonté cette piste sur internet, et trouvé le site web centralisant le réseau de 5 ou 6 musées actifs de ce type, j'ai pris contact avec l'organisation, et nous avons été les premiers visiteurs du musée vivant de la tribu des Khwe, dont les participants nous ont fait découvrir certaines pratiques culturelles (jeux, artisanat, chant, etc). Malgré sa dimension touristique et marchande inévitable, cette expérience nous a intéressés, et nous l'avons ensuite répétée à plusieurs reprises, dans tout le nord de la Namibie, chez les Mafwe, les Mbunza (l'occasion pour moi de survoler l'Angola en drone, de l'autre côté du fleuve Kunene), les Khoï, les Himba et les Damara. Ces expériences, nous amenant plusieurs fois à passer la nuit en bordure des villages traditionnels, nous a permis de découvrir un peu mieux la vie de ces populations pauvres et parfois semi-nomades. Nous étions presque toujours les seuls touristes sur place, et le côté un peu artificiel des démonstrations de chants et danses a plusieurs fois laissé place à des échanges plus sincères et plus personnels. Par ailleurs, j'ai beaucoup aimé enregistrer les chants choraux, simples mais puissants, et qui semblaient dépasser souvent le simple cadre de la démonstration pour s'épanouir en de véritables moments de joie partagée.

Le plus grand moment de notre voyage en Namibie, et peut-être en Afrique tout entière, est survenu quelques jours plus tard, lorsque nous sommes arrivés dans le parc d'Etosha. Pourtant, ces quelques jours (une petite dizaine) dans le plus fameux parc du pays ont commencé doucement. Dans ce parc, il y a quatre camps principaux pour la nuit (à l'exception de deux ou trois lodges privés plus exclusifs). Nous sommes entrès par l'Est, et nous avons donc enchaîné les safaris au départ de chacun de ces camps: dans l'ordre Namutoni, Halali, Okaukuejo, et Olifantsrus. Pendant les deux premiers jours, nous avons profité des zones plus humides autour des "pans" de l'Est, où se regroupent notamment de nombreux oiseaux. Nous avons aussi longé le "pan" principal du parc, nous aventurant d'ailleurs au point de vue formant sur lui comme une petite presqu'île d'observation. Mais à l'exception de quelques éléphants isolés, de quelques oryx, et de nombreuses girafes, nous n'avons rien vu de vraiment exceptionnel. Nous étions au tout début de la saison sèche lors de laquelle les animaux sauvages, ne trouvant plus à boire ailleurs, viennent plus massivement s'abreuver aux points d'eau aménagés pour leur observation. Etait-ce à cause du Covid, ou simplement du fait de la limitation de la fréquentation par le faible nombre de places de camping? Nous n'avions vraiment pas le sentiment d'un parc congestionné par les véhicules de safari, au contraire du parc Kruger. Après quelques observations réussies de rhinocéros et de hyènes, nous avons d'abord failli nous faire exclure du parc à la suite d'une infraction (porte latérale d'Oscar ouverte et trépied posé à l'extérieur à un point d'eau pourtant sans danger) rapportée par un ranger en civil, circulant dans une voiture du parc accompagné d'une marmaille très nombreuse, ayant pris ombrage que je remette son autorité en doute en l'absence de badge ou de carte officielle (le litige a été tranché en ma défaveur par l'administration centrale du parc, en la personne d'une sorte de cow-boy placide et inflexible qui m'a collé une amende et sommé de cesser de protester sous peine d'exclustion).

Après cet incident, il s'est produit une sorte de convergence d'événements heureux: sur la recommandation de Marc et Muriel, croisés l'année précédente au parc de Kalakgadi, nous avons fait la connaissance de Jacques et Christine, qui nous ont beaucoup appris les jours suivants, que nous avons passés à nous croiser et nous recroiser sur les pistes de safari, notamment concernant l'une des spécialités de Jacques: la photographie de lions. Ensuite, nous avons été ravis de retrouver nos amis les Mollalpagas, avec lesquels nous avions beaucoup communiqué depuis notre rencontre en Zambie, et avec lesquels nous avons de ce fait partagé, parfois avec quelques jours de décalage, de nombreuses découvertes tout au long de notre parcours depuis lors. Enfin, les animaux sont arrivés en nombre, et nous avons été gratifiés, notamment la nuit au point d'eau d'Okaukuejo, d'une succession de spectacles naturels absolument magnifiques dont les figurants principaux étaient les girafes, les hyènes, les éléphants et les lions, mais surtout les rhinocéros, extraordinairement actifs, grondant, reniflant, se baignant, se humant, se pourchassant, etc. Un ballet étonnant et inoubliable qui se classe tout en haut de la liste des plus belles choses que nous ayons eu l'occasion de voir depuis que nous voyageons.

La nuit au camp d'Okaukuejo

Nous sommes sortis d'Etosha par l'Ouest, non sans nous attarder plusieurs heures (et même plusieurs jours, car nous y sommes passés à deux reprises) au point d'eau se trouvant à mi-parcours entre Okaukuejo et Olifantsrus, point d'eau nous ayant offert le spectacle d'une incroyable densité de zèbres, d'autruches, de gazelles et d'éléphants. Et le lendemain, nous nous sommes retrouvés en pays Himba, où nous avons renoué avec la visite, pendant deux jours, du "living museum" local où nous avons sympathisé avec John, le chef de village. Après un passage moyennement convaincant aux chutes d'Epupa, tout au nord du pays (joli site, jolies montagnes, mais tôle ondulée extrêmement cassante), nous avons repris plein sud vers un espace que nous n'attendions pas, la concession Palmwag, ensemble de vallées sèches abritant plusieurs familles d'éléphants du désert.

Nous nous sommes aventurés là deux ou trois jours, absolument seuls. Nous nous sommes ensablés plusieurs fois non loin des lions du désert, nous avons failli perdre notre drone dans le bush, nous nous sommes a moitié perdus dans l'enchevêtrement de traces traversant des espaces sablonneux assez piégeux, mais quel bonheur de trouver, par nos propres moyens, ces troupes d'éléphants beaucoup moins habitués aux hommes que celles sillonnant les parcs plus fréquentés! Quelques jours seulement après le sommet d'Etosha, nous venions d'enchaîner l'une des plus belles étapes de notre voyage. Et ce n'était pas fini!

Continuant de progresser vers le sud, nous avons fait un détour par d'autres vallées sèches. Après avoir rencontré, près de Twyfelfontein un milliardaire littéralement tombé du ciel (il voyage en avion privé) pour nous inviter à passer la soirée dans son lodge de luxe, nous avons remonté une partie du lit asséché de la rivière Ugab (avec là encore bivouac et éléphants sauvages) pour bifurquer au niveau du White Lady Lodge. Nous avons repris la route et traversé des montagnes désertes, passé une nuit chez un vieux namibien nous ayant offert de petites pierres précieuses, puis chez une sorte d'ermite nourrissant, à la tombée de la nuit, une dizaine de porcs-épics avec une sorte de pâtée de semoule, avant d'entamer, avec un peu d'inconscience, une traversée du désert, droit vers la mer, en longeant une zone volcanique connue sous le nom de Messum Crater. Un espace magnifique, sans aucun véhicule à l'horizon pendant toute la traversée (à l'exception d'une moto, très loin), donc en toute autonomie lors d'un plantage profond dans le gravier sournois d'un lit de rivière, et ce jusqu'à rejoindre, presque à regret, l'objectif visé: la ligne de l'océan Atlantique, preuve que nous venions d'achever en près de deux mois, la traversée complète d'Est en Ouest de l'Afrique australe, depuis que nous avions quitté les côtes de l'Océan indien, au Mozambique.

Cette belle aventure n'était pas finie! Après avoir longé Cape Cross et sa fameuse colonie d'otaries, puis traversé Swakopmund sans nous y arrêter plus que l'année précédente, nous avons fait escale à Walvis Bay, où nous avons par hasard, sur le front de mer, croisé Jean-Pierre, notre chauffeur de l'excursion à Sandwich Harbour de 2020. Ayant échoué à trouver un transitaire nous permettant, le cas échéant, d'envoyer Oscar en Amérique du Sud par cargo sans retourner en Afrique du Sud, nous sommes retournés bivouaquer dans les dunes du désert de Namib découvertes lors de notre dernier passage, puis nous avons traversé le Naukluft pour rejoindre le magnifique Gecko Camp, surplombant une plaine magnifique au soleil couchant. De là, nous avons regagné Solitaire, où notre dernière aventure dans le pays nous attendait. Peu de temps après avoir quitté la station essence-base vie résumant ce point de passage presque obligé sur la route de Sossusvlei, nous avons tout simplement... perdu notre arbre de transmission sur la piste en tôle ondulée! Impossible, bien sûr, de réparer sur place. Nous avons hélé un des rares véhicules revenant vers Solitaire, fait tracter Oscar jusque là, puis passé plusieurs jours à résoudre le problème.

Les croisillons de l'arbre n'étant pas réparables, j'ai dû prendre la route de Windhoek, emmené par un camionneur familier des lieux, au moment même où la capitale entrait dans un confinement total pour cause de nouvelle vague de Covid. Bien renseigné par Robert, une sorte de cow-boy mystérieux officiant comme chef technique de la station de solitaire, allemand taciturne réparateur d'avion à ses heures perdues, j'ai pu faire usiner l'arbre dans la journée, avant de revenir en compagnie de Jan, ingénieur conseil devenu cultivateur d'olives, suffisamment informé pour être capable de rentrer vers Solitaire par des routes non contrôlées par la police. Une petite aventure humaine faite d'improvisation, de confiance et d'entraide, pour parvenir à résoudre un incident qui, sans la chaîne de toutes les personnes impliquées, aurait pu devenir bien plus handicapant, et qui s'est finalement transformée en l'un des épisodes les plus édifiants de notre périple.

La réparation faite, nous avons gagné le Namib Rand, un espace immense, dédié à la préservation de la zone prédunaire du désert de Namib, où seules cohabitent quelques dizaines de personnes sur un territoire grand comme un demi-département français. Nous y avons passé trois jours, en bivouaquant sur l'un des trois ou quatre seuls emplacements de camping disponibles dans tout le parc. Nous avons marché dans les dunes, allant de l'ocre au vert en passant par le jaune de la végétation desséchée, observé des scarabées et des lézards, et rencontré là les derniers oryx de notre voyage.

Notre dernière étape dans le pays a eu lieu du côté d'Aus, en bordure d'un point d'eau où autruches et chevaux sauvages viennent s'abreuver. Les étalons sont pleins d'énergie et passent une partie de leur temps à se courser ou se défier d'impressionnantes cabrioles, autorisant d'intéressantes photos bien différentes de celles qu'on associe habituellement au pays.

Après cela, nous avons regagné la frontière de l'Afrique-du-Sud, et révisé notre hiérarchie des pays visités: incontestablement, la Namibie méritait de se placer dans le trio de tête. Un tel mélange de vie sauvage, de déserts et de tribus originales, sans trop de pression touristique et laissant encore suffisamment de place au tourisme indépendant ne se retrouve pas beaucoup ailleurs dans le monde. C'est en train de changer, le pays risquant bien, et on peut le comprendre, de faire l'objet d'un effet de mode dans les années qui viennent. Espérons que ce mouvement restera sous contrôle, et que les merveilles de la Namibie pourront encore longtemps charmer les privilégiés qui auront la chance d'en profiter autant que nous avons pu le faire.

Les "J'aime/J'aime pas" de Manu autour du parc Kruger

J'ai aimé:

  • Les oryx, figures impassibles et omniprésentes du Namib/Naukluft, comme un élément naturel d'un décor pensé par un peintre de l'époque de l'art naïf ++
  • Les magnifiques geckos endémiques du Namib ++
  • Les grandes dunes du Namib, malheureusement pour la plupart d'entre elles inaccessibles pour des touristes majoritairement cantonnés à un nombre très limité de zones autorisées et payantes (Sandwich Harbour, vallée de Sesriem) +++
  • La qualité des sites naturels où nous avons passé la nuit, notamment à Spitzkoppe, à Bushman's camp (Sossus on foot) dans le Naukluft, et dans les dunes non loin de Walvis Bay (3 kilomètres au nord de la Dune 7) +++
  • Le site de Spitzkoppe en général +++
  • Sandwich harbour et la sortie en kayak avec les otaries, sympathique mais un peu moins sauvage que ce que j'attendais ++
  • Hidden Vlei sans aucun autre touriste que nous +++
  • Les visites des Living Museums, occasions un peu touristiques mais aussi instructives et parfois touchantes de se faire une idée du mode de vie traditionnel local ++
  • L'apparence des Himbas, tout aussi dépaysante que celle des Masai +++
  • Notre aventure de panne/réparation à Solitaire, nous ayant amené à découvrir de manière imprévue des personnages originaux et attachants +++
  • La recherche des éléphants du désert dans les lits asséchés de l'Ugab ou de la concession Palmwag +++
  • La traversée du Messum Crater, sommet pour nous de l'aventure en solitaire +++
  • La colonie d'otaries de Cape Cross ++
  • Le mélange qualité visuelle/impression de solitude et la nature préservée de Namib Rand +++
  • Etosha, en particulier le point d'eau d'Okaukuejo +++
  • Les chutes d'Epupa +
  • Les gravures rupestres de Twyfelfontein +
  • Notre tour de canoe sur le Zambèze +
  • J'ai moins aimé:

  • Le sentiment diffus mais persistant d'insécurité à Windhoek, seul endroit du trajet jusqu'alors réalisé où nous avons failli être victimes d'une arnaque (en l'occurrence près d'un distributeur de billets de banque que deux escrocs ont tenté de nous faire passer pour un système de paiement du parking) --
  • La difficulté extrême à concevoir puis adapter en cours de route un itinéraire évitant les pluies diluviennes s'étant abbatues sur le pays au moment où nous nous y trouvions -
  • L'énorme fatigue nous ayant saisis (Isabelle et moi, mais moi en particulier) à l'issue de notre boucle Namibienne, ce qui s'est aussi traduit par des problèmes médicaux (épaule bloquée et obligation de nous arrêter complètement pendant une semaine pour se reposer) -
  • La poussière fine s'inflitrant partout, encore pire qu'en Afrique du Sud --
  • Swakopmund, opulente et déserte ville côtière pour retraités aisés, peu accueillante pour les touristes de passage -
  • Le coucher de soleil à Elim Dune, une dune à la fois moins abrupte et moins désertique que les autres (avec beaucoup de végétation éparse sur les flancs et aucune vue dégagée au sommet) -
  • Sossusvlei, nettement moins belle, notamment pour les photographies, que Hidden Vlei ou même Deadvlei --
  • J'ai remarqué:

  • Les clôtures presque omniprésentes le long des routes, rendant le camping sauvage difficile
  • La parité avec le Rand sud-africain permettant d'utiliser indifféremment l'une ou l'autre des devises... en Namibie (la réciproque n'étant pas vraie)
  • Si c'était à refaire:

  • Je reprendrais presque le même itinéraire, mais en allant un peu plus lentement
  • J'utiliserais à nouveau l'application Windy, très fiable et dynamique, pour ajuster mon itinéraire
  • Même pour des raisons médicales ou mécaniques, je préférerais m'arrêter dans une ville plus petite et plus sure que Windhoek, Mariental ou Swakopmund par exemple