Carnet d'Australie

Pour consulter les albums photos complets avec une meilleure définition, les adresses sont les suivantes:

  • Album du sud de l'Australie (de Melbourne aux Grampians)
  • Album du centre de l'Australie (de Coober Pedy à Tom Price, incluant Karijini)
  • Album de l'ouest de l'Australie (de Broome à Perth, incluant Pemberton)



  • Carnet d'Isabelle

    Mardi 28 février

    La remise du van en Nouvelle-Zélande a été un peu stressante car nous étions trop sous contrainte de temps. Il fallait s’en douter, cela suffit à Manu pour déclencher une migraine à l’aéroport de Melbourne, ville du sud située à cinq kilomètres de l'océan. L’Australie commence donc par la prise d’un Ibuprofène. Sans compter qu’en arrivant, il faut se préoccuper d’un logement pour ce soir, des moyens de transports pour aller en centre-ville, de l’achat d’une carte téléphonique etc. Le tout coûtant bien plus cher qu'ailleurs, il faut faire attention.

    Nous réservons dans une auberge de jeunesse dans le centre de Melbourne que nous atteignons par les transports en commun (bus et métro). Après le métro, il faut traverser cette cité de 3,5 millions d'habitants, constituée de gros bâtiments cubiques. Nous arpentons, chargés, ses rues intérieures qui quadrillent parfaitement le quartier. Pour la petite histoire, en 1835, un représentant australien d'une société acheta 240 000 hectares de terre aux aborigènes. C'est ensuite que Melbourne naquit sur cette zone en 1840 ; son principal attrait fut la découverte de l'or.

    Après avoir déposés nos sacs dans une petite chambre avec des lits jumeaux à the Spencer Backpackers Hôtel, nous cherchons à aller dîner. Le seul endroit que nous trouvons est un camion installé sur le parking d’une station-service qui vend des kébabs énormes.

    Mercredi 1er mars

    L’Australie est un si grand pays qu’il fait pour beaucoup l’objet d’un seul voyage. Nous allons pourtant essayer de découvrir un maximum de choses à voir et à faire. Comme pour la Nouvelle-Zélande, nous avons opté pour le road trip qui nous semble être le mode de voyage le plus adapté à ce pays. Organiser un road trip pour 42 jours a demandé à Manu une grande organisation, beaucoup de préparation et des choix à faire afin d’optimiser au maximum notre budget et notre temps.

    Pour aller chercher notre van chez Apollo, nous devons faire l’itinéraire inverse d’hier. Dès les premières heures en Australie, nous avons pu observer la disponibilité de la population. Hier déjà, après seulement quelques mètres dans le métro et ce matin en cherchant le bus avec nos sacs, plusieurs personnes proposent de nous aider. La seule exception est le chauffeur de taxi turc (par conséquent pas de pure souche australienne) à qui nous avons demandé de nous conduire de l’aéroport à Apollo. Il a été vraiment désagréable, a râlé tout le voyage à cause du temps qu’il a mis pour faire peu de kilomètres. Apollo n’est pas forcément très loin mais très difficile d’accès à cause du plan de circulation et des travaux sur certaines portions de route.

    Nous conseillerons à tous de fuir la société Apollo avec laquelle nous avons eu affaire. L’accueil chez Apollo a été déplorable et leur politique commerciale déplorable. Après avoir attendu près de 45 minutes, nous pensions que la prise du véhicule serait une simple formalité et serait vite expédiée, car la réservation avait été faite en ligne, l’acompte payé et les options sélectionnées… L’employée nous impose ensuite et par conséquent facture des services qui n’étaient pas obligatoires (nous l’apprendrons en lisant des avis sur Internet) : le fait de nous louer le camping-car avec le réservoir plein, de fournir le linge de lit… Puis, à la façon d’une compagnie low-cost, elle nous propose toute une gamme d’options payantes qui se rajoutent à la location du véhicule. Par exemple, vous souhaitez une table et des chaises (normal, vous allez faire du camping). Il faut payer. Idem pour avoir du linge de lit…

    L’employée enchaîne à propos des assurances du véhicule. Et de l’assurance, la commerciale d’Apollo en avait pour nous les vendre ! Concernant les assurances, il y a deux types de personnes. Celles qui ne veulent rien risquer et qui les prennent toutes, et les autres. Nous faisons partie des « autres ». Nous nous méfions des assurances optionnelles qui trouvent de toute façon toujours un prétexte pour ne pas rembourser et qui font très souvent doublons avec les diverses assurances que nous avons déjà (carte de crédit, assurance de voyage…). Manu avait déjà fait le choix au moment de la réservation de « prendre le risque » et de nous limiter à la franchise de 2700$. Notre conseillère s’est alors lancée dans une démonstration très précise concernant le risque important à cause des kangourous, démonstration exactement identique présentée par ses collègues simultanément aux autres clients. Après avoir payé plus de 500€ de plus que prévu la location du campervan avant même de nous être mis au volant de ce dernier, nous refusons bien évidemment toutes les propositions d’assurances supplémentaires. Elle est très vexée car elle ne touchera malheureusement pas de com à cause de nous et elle devient alors très froide, très distante, donc très désagréable.

    Nous payons la somme de la franchise qui est également une caution qui est, d’après notre conseillère, encaissée immédiatement et remboursée seulement deux mois après la restitution du véhicule. Autant le dire, cette somme qui pourrait être une simple préautorisation sur la carte de crédit (comme cela se fait habituellement) est encaissée pour une longue durée sans aucun doute pour la faire fructifier. Apollo n’est pas seulement une compagnie de location de véhicules récréatifs : c’est aussi une compagnie financière… De plus, la société Apollo prélève 2% sur tous les paiements par carte. Cette caution peut se payer uniquement par carte. Ils rajoutent donc 2% sur ces 2700 $ qui ne seront pas remboursés. Soient 50 $ de perdus. L’employée nous conduit à notre véhicule pour le « check-in » qui dure à peine 3 minutes, nous laissant un peu désemparés sur le fonctionnement du véhicule. Je vois Manu continuer à se décomposer.

    Il faut maintenant aller faire le plein de courses. Nous nous dirigeons vers Aldi (la grande surface la moins chère) la plus proche. Nous commençons par aller dans une boutique apparemment bon marché pour acheter un adaptateur se branchant sur l’allume-cigare pour nous permettre de brancher des cables USB. Nous achetons un débardeur pour Manu (qui a désormais un look d’Austrasien) mais pas d’adaptateur, le prix demandé étant excessif.

    Incroyable, nous en trouvons un dans les bacs « bazar » chez Aldi coûtant dix fois moins. Nous sautons sur le dernier exemplaire. Nous prenons ensuite la route mais la tension nerveuse ajoutée au décalage horaire fait que, ivres de fatigue, nous ne tardons pas à nous arrêter sur une aire de pique-nique pour la nuit. Manu, qui a du mal à digérer sa journée, ne dîne pratiquement pas.

    Jeudi 2 mars

    Mauvaise nuit pour Manu qui s’est levé en pleine nuit vomir les contrariétés de la journée d’hier et essayer de lutter contre une grosse migraine. C’est donc un peu moins stressé mais fatigué qu’il se met au volant après un petit déjeuner léger en direction de la célèbre Great Ocean Road qui longe la mer sur des centaines de kilomètres. Cette magnifique route côtière fait partie des sites touristiques les plus visités d’Australie et est souvent considérée comme « l’une des plus belles routes pittoresques au monde ». Bâtie entre 1919 et 1932 par des soldats qui rentraient du front de la Première Guerre Mondiale, cette route a permis de désenclaver les villages côtiers du Sud du Victoria qui n’étaient accessibles jusque-là que par la mer ou des chemins forestiers pas vraiment pratiques. Elle est donc rapidement devenue un axe de communication capital pour le développement industriel et touristique de la région et attire aujourd’hui des millions de touristes chaque année. La Great Ocean Road débute à Torquay, à environ une heure de route du centre Melbourne et s’étend sur un peu moins de 350 kilomètres jusque Portland. Cette célèbre route longe des falaises, des plages désertes et des spots de surf mondialement réputés. La route traverse également de grandes forêts d’eucalyptus. Et qui dit eucalyptus, dit koalas. Alors on fonce !

    Les premiers kilomètres de route sont jolis mais sans réels points d’intérêt. Nous nous arrêtons à l’office du tourisme d’Anglesea où une bénévole nous submerge de cartes et de dépliants touristiques avec tous les points d’intérêts. Suivant ses conseils nous cherchons le golf d’Anglesea puisque c’est à cet endroit que les kangourous des environs ont établi leur résidence. Sur la route, nous voyons avec surprise nos premiers cacatoès sur le trottoir et dans les arbres d’un lotissement de belles résidences. Nous nous garons devant l’une d’entre elles et nous voyons au loin une dizaine de kangourous affalés sur l'un des greens.

    Hormis le golf d’Anglesea, il n’y a pas vraiment de lieu particulier où voir les kangourous sur la Great Ocean Road, ce qui n’est pas très grave car nous en verrons certainement partout, au contraire des koalas qui sont de plus en plus rares à l’état sauvage. Des aires d’arrêt sont prévues tout le long de la route pour s’arrêter prendre des photos et profiter de la beauté du paysage. Depuis des milliers d'années, les vagues et les marées érodent la roche pour former un fascinant ensemble de gorges, d'arches et de cavités. Nous nous arrêtons sur une plage pour manger notre sandwich. Nous roulons littéralement au bord de l’eau pratiquement tout le long jusqu’à la forêt de Lorne.

    Ici, rien à payer ! Dans notre van, nous prenons un petit chemin qui nous permet de nous engouffrer dans une immense forêt d’eucalyptus. Nous avons le chemin juste pour nous. Qu’est-ce qu’on adore être tout seuls pour découvrir des lieux comme ça. Je lève les yeux et je tente tant bien que mal de repérer des éventuels koalas dans les arbres. Nous ne tardons pas à en découvrir plusieurs, tranquillement installés sur des branches à mi-hauteur.

    Nous enchaînons avec le site de Kennett River. Nous nous garons derrière le camping du village où se trouvent à nouveaux de grands eucalyptus, dans lesquels se cachent en effet quelques koalas. Nous remontons une partie du chemin à pied et nous en trouvons plus haut sur la route. En regagnant notre véhicule, sur les branches des arbres autour du camping, des dizaines de perroquets multicolores nous regardent du coin de l’œil. En arrivant, nous avions constaté qu’ils n’avaient pas peur de l’Homme car certaines personnes en avaient plusieurs sur les épaules, sur la tête, sur les bras. Après dix minutes à tenter de les faire venir sur nous en vain, je me dis qu’ils devaient avoir de la nourriture pour les attirer. Et là évidemment, ça marche beaucoup plus facilement. Nous nous contentons donc de les photographier d’un peu plus loin.

    Ce que nous avons pris pour des perroquets sont des perruches de Pennant. La perruche de Pennant habite et recherche les forêts côtières et montagneuses du sud-est de l’Australie. En montagne, elle peut vivre jusqu’à 2000 mètres d'altitude et s'adapter à un environnement enneigé. Sur le littoral, les habitations toujours plus nombreuses contribuent à la destruction de son milieu naturel, mais elle semble s'accommoder des jardins et des parcs des banlieues. On en voit un exemple ici ! Les jeunes sont plutôt de couleur verte.

    Après cet arrêt, nous continuons de rouler sur la Great Ocean Road jusqu’à Apollo Bay. Cette bourgade forme une base pour explorer le Great Otway National Park que nous devons traverser en partie pour atteindre le camping Bimbi Park que nous visons pour passer la nuit. La nuit commence à tomber et il va falloir faire attention aux kangourous. Les kangourous en Australie, c'est un peu comme les chats ou les lapins en France. Il y en a partout, ils traversent les routes au crépuscule et malheureusement, ils se font souvent percuter. Nous sommes à peine rentrés dans le parc que nous voyons des dizaines de kangourous sur les deux côtés de la route. Du coup, j’ouvre ma fenêtre et je crie et tape des mains assez fort, ce qui les fait déguerpir. Il fait vraiment nuit quand nous arrivons au camping mais nous réussissons à arracher la gardienne de son film pour lui demander s’il est possible de s’installer. Dans le noir, nous installons notre van sous l’ombre des eucalyptus. Comme tout le monde le sait, les eucalyptus sont LA nourriture (unique) des koalas. Vivement demain…

    Vendredi 3 mars

    A peine réveillée, je soulève discrètement le rideau du van. Après avoir longuement scruté les arbres, je vois une grosse boule de poil lovée dans le creux des branches d’un eucalyptus presque au-dessus de nous. Nous prenons notre petit déjeuner sous cet arbre ce qui ne semble pas perturber le sommeil de son habitant. On peut s’amuser à le chercher sur la photo …

    Du camping, nous faisons une petite marche pendant laquelle nous voyons de nombreux perroquets verts impossibles à photographier ainsi que beaucoup d’autres oiseaux que nous découvrons pour la première fois. Nous voyons également des dizaines de koalas. Rien que dans le camping, j’arrive à en dénicher 17 contre 13 pour Manu. Ils dorment environ 18h par jour, donc les rares moments où on les voit éveillés sont précieux. C'est un spectacle vraiment adorable.

    Nous déjeunons au camping et avant de partir un australien nous apostrophe de sa voiture car dans la matinée, il a trouvé un opossum pygmée sur la route. Il nous propose de le prendre en photo gratuitement alors que jusqu’à maintenant, il demandait 5$ pour couvrir les frais de vétérinaire chez qui il compte le déposer.

    Nous reprenons la route pour rejoindre un incontournable de la Great Ocean Road, les emblématiques Twelve Apostles (les douze Apôtres), un amas de roche surgissant de l’océan. Il s’agit de douze formations calcaires se dressant près du rivage. Il n’en reste aujourd’hui que sept puisque les autres sont tombées au fil des années suite à l’érosion de la roche. Nous sommes en présence de nombreux asiatiques qui arrivent comme des petites fourmis. Il y a même un panneau qui leur indique où appuyer sur leurs objectifs tels des paparazzi.

    Nous interrompons le spectacle pour aller jusqu’à Port Campbell car le réservoir du van est presqu’à sec et nous craignons de ne pas pouvoir atteindre le camping ce soir. Nous faisons juste un aller-retour car nous souhaitons voir les falaises sous les lumières du couchant. Au moment où nous arrivons sur le parking, le soleil est déjà bien bas. Ni une ni deux, nous sautons de notre véhicule et partons sans perdre de temps vers la côte. La mer est déchaînée et les rouleaux s’éclatent sur ces pitons rocheux. Nous ne sommes évidemment pas les seuls à avoir eu l’idée de venir au coucher du soleil. Il y a beaucoup de monde mais comme la plate-forme est assez grande, il y a finalement de la place pour tout le monde. Dès que le soleil commence à descendre, les couleurs changent au fur et à mesure que le soleil se couche.

    Il nous reste une demi-heure de route pour arriver au camping (Princetown Recreation Reserve) réputé fréquenté par les kangourous. Effectivement, on les voit sauter dans tous les coins dans la lumière des phares.

    Samedi 4 mars

    Quand on dort dans un petit espace pendant un road trip, on se dit parfois, après plusieurs nuits un peu imparfaites, une vie quotidienne parfois approximative dans notre petite maison, qu’en fait ça vaut vraiment le coup lorsque le matin on se lève avec la vue que peu de gens auront la chance d’avoir une fois dans leur vie même en payant un hôtel… Aucun bâtiment autour de nous, nous ouvrons le coffre, et nous voyons une montagne, une plage, un kangourou, un émeu, un lac, un lever de soleil écarlate et que nous pouvons déjeuner avec la même vue…  Il faut le vivre une fois dans sa vie.

    L’objectif de la journée est d’atteindre le parc des Grampians mais avant nous nous arrêtons admirer les douze apôtres avec la lumière du matin cette fois. En partant, nous photographions un très beau mâle Superb Fairy-wren sur le parking.

    Un peu plus tard, nous nous arrêtons dans la petite ville de Cobden pour remplir le réservoir et faire quelques courses à l’épicerie où on achète un poulet cuit et des chips que nous allons déguster dans un parc public en compagnie d’oiseaux et de canards pour nous distraire.

    Nous nous arrêtons à l’office du tourisme du dernier village avant de rentrer dans le parc. Nous sommes reçus par une bénévole (Deborah) de plus de 90 ans qui fait son maximum pour nous donner quelques conseils. Nous sommes surpris de devoir laisser "sauter" 3 kangourous au premier rond-point en arrivant dans la petite ville de Halls Gap. Un peu plus loin, devant le camping, ce sont des dizaines qui posent devant notre objectif. Avant d’atteindre Plantation Campground, un camping gratuit, il faut encore faire plusieurs dizaines de kilomètres et emprunter une longue gravel road de 10 kms pas forcément en bon état, de nuit.

    Dimanche 5 mars

    Sur la route entre le camping et Halls Gap que nous prenons ce matin dans le sens inverse, nous croisons émeus, kangourous et daims. Nous descendons pour marcher avec eux et faire quelques photos.

    Les Grampians ou Gariwerd de son nom d’origine aborigène est un des beaux sites naturels de l’état du Victoria. Entre montagnes et bush (terme utilisé pour évoquer une région boisée mais pouvant aussi s’employer pour parler d’une zone inhabitée), les Grampians sont l’essence de la culture aborigène du sud de l’Australie. Nous faisons quelques marches qui nous permettent d’atteindre des points de vue. La balade est assez originale car elle nous promène dans l’antre d’un canyon à la pierre sombre. La vue au sommet est belle même si (sans avoir l’air blasé), on a déjà connu nettement mieux.

    Nous prenons la route maintenant vers le centre de l'Australie. Nous faisons de nombreuses pauses égayées tout le long par de très beaux oiseaux.

    Nous trouvons une station Mobil qui accepte que nous prenions une douche et nous allons nous installer dans le parc de l’école de Tintinara pour dîner. Ce soir, nous dormons à 12 kilomètres d’ici, sur une aire dédiée à cet effet, Culburra North Rest Area.

    Lundi 6 mars

    Tout comme le soleil, pas tout à fait réveillés, on prend la direction de Murray Bridge où nous faisons un arrêt « courses alimentaires ». L’étape d’aujourd’hui sera encore marquée par la route mais nous faisons quelques arrêts qui valent le détour. Nous faisons par exemple la connaissance des beaux Cacatoès nasiques (qui sont un véritable fléau pour la population car ils détruisent tout). Puis nous découvrons avec surprise un lac salé (Lake Hart ?) complètement rose à proximité de la route.

    Nous traversons Port Augusta en fin de journée pour aller rejoindre un endroit gratuit pour dormir (Ranges view rest area) à 60 kms au nord. Nous sommes maintenant en direction du nord sur la mythique Stuart Highway, la route des explorateurs. La Stuart Highway a été nommé d’après l’explorateur John Mc Douall Stuart qui fut le premier Européen à traverser l’Australie du sud au nord. Si le tracé actuel ne suit pas l’itinéraire initial que Stuart a emprunté dans les années 1850 et 1860, surtout dans sa partie méridionale, la Stuart Highway commence en réalité à Port Augusta.

    Mardi 7 mars

    Comme hier, nous prenons la route dès notre réveil, ce qui nous permet de faire un premier arrêt pour le petit déjeuner. Nous suivons ou croisons nos premiers Road trains. Les "Road Trains", ces fabuleux trains de la route littéralement, sont des camions pouvant mesurer jusqu'à 50 m de long, transporter 135 tonnes, et demandent 3 km pour pouvoir s’arrêter lorsqu’ils sont lancés à fond (110 km/h). Ils ne consomment pas loin de 100 litres de carburant pour parcourir 100 km. Il faut compter un bon kilomètre pour arriver à les dépasser quand ils sont lancés à pleine vitesse… Sur la route, nous voyons de loin un aigle se régaler d’une carcasse de kangourou. Alors tout doucement, mètre par mètre, nous nous rapprochons.

    Nous arrivons à Coober Pedy dans l’après-midi. Coober Pedy est juste une petite cité poussièreuse, pas très belle, qui émerge au milieu d’un paysage aride et lunaire. Elle s’autoproclamée la capitale mondiale de l’opale, unique dans l’Outback australien du sud. Sur près de 5000 km2, des milliers de puits de mines trouent la plaine autour de la ville. A l’entrée, un « blower », un système d’extraction des gravats, installé sur un camion, dont le principe inventé à Coober Pedy en a fait le symbole de la ville. Coober Pedy est un nom autochtone qui signifie « hommes blancs dans un trou ». Le nom décrit parfaitement l’endroit ou 80 % des habitants vivent sous terre, dans des habitations troglodytes, « les dugouts », pour échapper à la chaleur en été et aux nuits glaciales en hiver.

    Encerclant la ville, les mines d’opales témoignent d’une richesse importante. Dans cet univers désertique arrosé par 17 petits centimètres de précipitations par an, plus de 45 nationalités cohabitent, faisant de cette ville de 3500 habitants la cité la plus cosmopolite du monde compte tenu de sa taille. Beaucoup sont des Européens arrivés dans les années 60 avec l’espoir de faire fortune avec l’opale… Le travail des mineurs est très très bien rémunéré : j’ai lu que travailler un an dans les mines permet de gagner 130 000$...

    C’est ici que nous rencontrons nos premiers aborigènes, errant dans les rues.

    Nous commençons par nous rendre à l’office du tourisme pour y glaner quelques informations. Une fois notre circuit défini, nous allons en premier visiter le site « Crocodile Harry’s ». C’est une ancienne mine désaffectée et reconvertie en un étrange musée par un dénommé Harry, décédé maintenant. Je vais seule errer dans les trois pièces remplies d’objets incongrus. Dans la pièce qui sert de chambre par exemple, il y a un lit et une armoire. Une quantité impressionnante de culottes et soutiens gorge apparemment laissés par des touristes ornent les murs.

    Autre curiosité, les églises de Coober Pedy sont à l’image de la ville, cachées sous terre pour se protéger de la chaleur infernale du désert. Nous choisissons d’aller voir Catacomb church avant d’aller essayer de trouver nous-mêmes des morceaux d’opale à la « Public noodling area ».

    Malgré sa notoriété et son côté dépaysant, un sentiment de tristesse et de vie qui s’assèche se dégage de la ville. Une sensation qui trouve sa réalité : il n’y a rien à faire à Coober Pedy et un stop pour faire une pause sur la route comme nous avons fait me parait suffisant pour en faire le tour. Nous prenons une douche à la station-service Shell et nous remplissons notre réservoir d’eau à l’endroit réservé à cet usage (en payant 1€ pour 30 litres, nous pouvons nous servir d'un pistolet semblable à ceux des pompes à essence, mais qui distribuent de l'eau) avant de reprendre la route.

    Avant de nous arrêter à l’aire « Evelyn Downs rest area » pour y passer la nuit (sans mouches ni moustiques), nous assistons à un magnifique coucher de soleil sur la route.

    Mercredi 8 mars

    Nous prenons la route dès notre réveil. Sur cet axe principal qu’est la Stuart Highway, les stations-services sont souvent les seules à rompre la monotonie de la route infinie. Souvent, c’est uniquement un(e) station-service / hôtel / camping situé au milieu de nulle part. Nous nous arrêtons à celle de Marla pour petit-déjeuner. Le problème, c'est que quel que soit l'endroit où l'on se pose, nos arrêts sont toujours BEAUCOUP plus longs que prévus tellement on voit de choses intéressantes... Tout d'abord, un road train fermier s'arrête aussi, chargé de chameaux ... Puis nous assistons au petit déjeuner d'un oiseau avant de rencontrer de superbes cacatoès rosalbin et des pigeons à crêtes.

    En remontant toujours plus au nord, nous remarquons un changement de couleur dans le paysage. Un petit panneau « welcome to the Northern Territory » nous indique que nous venons de passer la frontière.

    Dans l’Outback, on nous avait prévenu mais c’est vrai : les mouches sont un fléau qu’il ne faut pas négliger. A peine sortis du véhicule, nous sommes assaillis par une nuée de ces charmantes « bestioles ». Elles sont partout et très envahissantes. Nous achetons par conséquent chacun un filet à fixer sur notre chapeau pour nous protéger le visage lors d’un passage dans une station-service. Nous remarquons un changement de paysage et de végétation : il y a des petites dunes de sables, des buissons de spinifex, des chênes du désert et la terre est vraiment rouge. Nous approchons avec certitude du red center… En milieu d’après-midi, nous nous arrêtons prendre une photo du Mont Conner. C’est un plateau en fer à cheval qui fait partie du même ensemble rocheux qu’Uluru et Kata Tjuta. On se demande un petit moment d’ailleurs s’il ne s’agit pas d’Uluru, car il y a indéniablement un air de ressemblance !

    Nous atteignons Yulara, la station touristique à l’extérieur d’Uluru / Kata Tjuta National Park vers 18h00. Nous nous rendons directement au camping (où les emplacements sont facturés au prix d’un motel) car on ne peut pas séjourner à l’intérieur du parc. D’ici, il y a encore 18 kms jusqu’à Uluru. L’objectif est atteint : nous arrivons juste à temps pour le coucher du soleil. Uluru pour les aborigènes, est le plus grand monolithe de la planète. Il est vrai que cette formation rocheuse impressionne par ses caractéristiques naturelles extraordinaires : avec une hauteur de 348 mètres, 2,5 km de long, et une circonférence à la base de 9,4 kilomètres, il s'agit bien d'un sacré "caillou". Et pourtant tout ceci n'est que "la partie visible de l'iceberg" puisque les spécialistes pensent que le rocher s'étend encore 6 km sous le sol ! Le temps d’installer l’appareil photo et l’apéro et nous voilà prêts : pendant que nous dégustons notre verre, le monolithe d'Uluru change de couleur et prend toutes les nuances du rouge à l'orangé selon que le temps passe. Les couleurs virent du gris au rouge, en passant par une palette imposante de teintes ocres. C'est vraiment magnifique. Ravis, nous rentrons au camping. C’est incroyable, nous pouvons rester dehors car ce soir, il n’y a ni mouche ni moustique (alors que nous avions besoin de la voilette pendant le coucher de soleil sur Uluru)!

    Selon les archéologues, les aborigènes occupent cette région depuis au moins 22 000 ans ! Les Anangus sont les gardiens traditionnels d'Uluru, le monolithe plus connu sous le nom d'Ayers Rock (baptisé ainsi, par l'explorateur européen William Gosse en 1873, en hommage à l'ancien premier ministre Sir Henry Ayers). Uluru a été rendu aux Anangus en 1985, qui assurent aujourd'hui la préservation et l'exploitation de ce parc national, conjointement avec l'État australien, et depuis 1987, ce lieu est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. En 1993, une politique de double dénomination est mise en place et ce n'est que depuis le 6 novembre 2002 que le nom officiel du monolithe est le suivant : Uluru-Ayers Rock (dans cet ordre), Uluru restant la dénomination aborigène.

    Jeudi 9 mars

    Le réveil sonne très tôt pour nous permettre d’aller dès l’aube à Talinguru Nyakunytjaku, la zone réservée pour le lever de soleil sur Uluru qui est aussi un spectacle intéressant bien que moins extraordinaire. Il y a en plus vraiment beaucoup de monde. Ceci dit, ce parc est suffisamment bien fait pour que les touristes soient sans doute dilués un peu partout car honnêtement, on pourrait s’attendre à pire sur un site mondialement connu. Nous allons ensuite nous installer sur le parking Kuniya : quel bonheur de prendre notre petit déjeuner devant Uluru, la célèbre formation de grès rouge mondialement connue posée en plein cœur de l’Australie, là où le silence est assourdissant, la terre rouge à l’infini et le ciel intensément bleu.

    Nous ressortons ensuite du parc pour retourner au camping et profiter dix minutes de la petite piscine, luxe rare au milieu du désert. Des oiseaux jaunes mangeant des baies de palmier nous obligent à faire une pause photo avant d’aller au visitor center à Yulara. Ce village possède aussi des hôtels, des magasins de souvenirs, une station-service, bref tout pour le plaisir des touristes. Nous nous arrêtons au centre culturel où il y a une exposition permanente qui permet de mieux comprendre la culture Anangu avant d’aller faire une petite marche (Kuniya walk ) d’un kilomètre. Chaque endroit possède ses légendes et les Anangus en sont les gardiens. Aussi il convient de respecter leurs croyances et il est déconseillé aux touristes de gravir Uluru, ceci étant considéré comme une offense. Outre les raisons culturelles et religieuses, les aborigènes ne souhaitent pas que les "minga" (les touristes) escaladent Uluru car c’est également dangereux à cause du vent et de la chaleur. Cela reste cependant faisable, mais plutôt difficile, malgré une chaîne installée pour faciliter la progression, une bonne condition physique est recommandée car la roche est par endroit très pentue.

    Peu concernés par la possibilité de cette ascension, nous préférons nous diriger vers la dune walk. Manu va voir le point de vue pendant que je prépare un sandwich pour déjeuner (dans le van à cause des mouches). Il fait tellement chaud qu’on s’autorise à mettre un peu la clim (donc à faire tourner le moteur) pendant le repas.

    A environ 30 km d'Uluru, Kata Tjuta - Monts Olgas pour les occidentaux - qui veut dire « nombreuses têtes » en aborigène, est un ensemble de 36 dômes de granit rouge séparés par des vallées profondes dont le plus haut culmine à 546 m. Cet ensemble de 35 km2 et de 24 km de circonférence aurait été un monolithe dont l’érosion à fait apparaître au cours du temps les différents dômes actuels. Nous marchons une heure à Walpa Gorge mais la chaleur rend cette courte marche assez éprouvante. La plus grande partie se fait sans arbre… Je rentre bien rouge, mais nous buvons beaucoup pour nous réhydrater ce qui nous permet d’enchaîner un peu après « Valley of the winds walk ». Il fait déjà un peu moins chaud et il y a plus d’ombre pendant cette marche de 2,2 kms aller-retour (1 heure). Ces deux balades constituent un refuge naturel de plantes et d'animaux du désert : oiseaux, sauterelles, lézards …

    Nous voulons retourner à Uluru pour le coucher du soleil mais nous fonçons du côté du lever du soleil car Manu veut changer d’angle de vue et tenter des effets photographiques de contrejour. Ce qui ne marche pas vraiment car le coucher de soleil est plat et ne rougit pas suffisamment, en tout cas pas sur une surface suffisante.

    Sur le chemin du retour, nous prenons de l’essence à la station Shell près du camping où nous avons dormi la nuit dernière. Ici, nous avons la possibilité de remplir notre bidon d’eau (10 litres) mais pas de nous doucher. Nous remplissons alors notre seau et nous nous éloignons pour nous laver en bordure de parking. Bien qu’il fasse nuit, nous allons jusqu’à Sandy Way Rest Area, une aire de camping gratuite, mais un peu éloignée. Nous sommes les seuls à avoir décidé de dormir ici. La température est excellente et nous pouvons dîner à l’extérieur sans être importunés par les insectes. Le début de nuit est cependant difficile pour nous deux car il fait excessivement chaud dans le van…

    Vendredi 10 mars

    Nous assistons à un très beau lever de soleil mais nous sommes obligés de vite regagner le van et de prendre le petit-déjeuner sur le lit car les mouches nous empêchent de rester dehors. Nous nous apprêtons à affronter les 310 km de route qui nous séparent de Kings Canyon. Dans les coins les plus isolés de l’Australie, il n’est pas rare de tomber sur des carcasses de voitures au bord de la route, plus ou moins récentes. Au départ, une panne ou peut-être un accident puis le véhicule est dépouillé et enfin, ce qu’il en reste est abandonné là des années ou pour toujours…

    Nous faisons une pause dans la matinée pendant laquelle nous observons les animaux profiter de la moindre goutte d'eau qui a servi à se laver les mains. Il fait chaud, très chaud...

    Il existe deux circuits pédestres pour visiter Kings Canyon. Cet après-midi, nous faisons le premier (le Kings Creek Walk). C’est une ballade facile de 2,6 km aller-retour qui longe le lit de la rivière et on passe donc au pied des falaises. Comme pour Uluru, une partie des gorges est un lieu sacré pour les Aborigènes et il est fortement déconseillé de circuler en dehors des chemins prévus. A l’arrivée, je prépare le déjeuner et simultanément je fais cuire des pommes de terre en prévision des prochains. Quand vient le moment de les égoutter, je vois un petit lézard qui me regarde dans le van. La casserole à la main, je cherche Manu des yeux pour lui signaler qu’il peut venir le photographier. Défaut d’attention et arrive ce qui devait arriver : je me brûle avec l’eau de cuisson brûlante des pommes de terre. J’appelle Manu qui heureusement arrive vite pour racler un peu de glace du freezer ce qui me soulage beaucoup.

    Pour terminer la journée, nous faisons la petite partie de 2 kms du second circuit (la Rim Walk), que nous reprendrons plus en détail demain. Nous nous régalons à photographier les animaux.

    Il y a de l’eau au point d’information au départ de la marche. Nous attendons d’être tranquilles pour nous laver près du van. Nous devons rouler encore un peu pour atteindre l’endroit gratuit où nous sommes autorisés à dormir (Jump Up Lookout Rest Area).

    Samedi 11 mars

    Nous nous attaquons ce matin au second circuit (la grande boucle du Rim Walk) qui passe au sommet des falaises. Il fait une boucle de 6 km et demande 3 à 4 heures de marche. Au début de la promenade, un chemin appelé « la montée des infarctus », en raison de la difficulté à le grimper, conduit au sommet du canyon. On a de très belles vues sur le canyon et le désert environnant. Au milieu de la visite, un détour permet de descendre au « Jardin d'Eden », un trou d'eau permanent entouré d'une végétation luxuriante de palmiers et fougères arborescentes. Les parois du canyon s’élèvent à 100 m au-dessus de la plaine désertique. La dernière moitié du circuit se fait au milieu de dômes de grès, restes de millions d'années d'érosion. Nous passons beaucoup de temps à jouer avec des petits lézards.

    Pour rejoindre Alice Spring, deux choix s’ouvrent à nous : faire 490 kms par la route ou réduire la distance (mais pas forcément le temps) en empruntant la piste d’environ 200 kms. Manu choisit évidemment la deuxième solution (la Ernest Giles Road) car nous ne sommes pas pressés. Avec un van deux roues motrices, c'est faisable sans problème en roulant doucement (nous avons mis cinq heures). La tôle ondulée est assez désagréable par endroits et cela secoue tellement par moment que l’épicerie saute des étagères pour se retrouver par terre. Il y a aussi parfois des endroits de sable vraiment mou où on prie pour ne pas rester bloqués mais c’est drôle en même temps. Sur cette piste, faisant l’hypothèse que croiser la police est plus qu’improbable, je réalise un rêve : ramper sur le lit et faire une sieste allongée de tout mon long pendant que Manu conduit. C’est tellement agréable…

    En plein cœur du désert australien sur cette piste menant à Alice Spring, à une centaine de kilomètres de l’arrivée, nous nous arrêtons à la Henbury Meteorites Conservation Reserve qui est une curiosité géologique puisqu'elle garde les stigmates de la chute d'une météorite datant de plusieurs milliers d'années. Le site réunit 12 cratères dont le plus grand a une circonférence de 180 mètres et une profondeur de 15 mètres. Ce cratère créé par une météorite il y a des milliers d'années est l'un des plus grands au monde. Les résidus des météorites ont disparu sur le site mais l'un d'eux pesant plus de 46 kg est aujourd'hui visible dans un musée d’Alice Springs. Les fouilles sur le site sont strictement interdites. Sous une chaleur écrasante, nous empruntons le sentier qui fait le tour de cette curiosité géologique vénérée par le Dreamtime aborigène !

    Juste avant d’atteindre Alice Springs, nous voyons au loin quelque chose sur la route. Il fait déjà nuit, nous avançons prudemment jusqu’à nous trouver bec à pare-choc avec une toute petite chouette, debout en plein milieu de la route. Quand nous arrivons à Alice Springs, la plupart des campings sont fermés. Nous profitons de l’éclairage devant l’un d’entre eux pour dîner et nous déplaçons notre van de quelques kilomètres pour passer la nuit, à l’extérieur de la ville, sur la route des West Macdonnell où nous voulons passer la journée demain.

    Dimanche 12 mars

    Le soleil n’est même pas encore levé quand j’entends deux personnes marcher près du van. Ce sont des aborigènes, munis d’une torche. Nous voyons en nous levant que nous sommes en bordure d’un camp aborigène. Il est tôt mais tant mieux car nous avons prévu d’aller essayer de voir des wallabies qui habitent dans les environs, et qui peuvent principalement être vus tôt le matin. Nous prenons tout de suite la direction de Simpsons Gap, un petit canyon creusé par une rivière au débit rare (ça a pris 60 millions d'années quand même). Le parking est juste à côté, il n'y a qu'une centaine de mètres à faire sur un chemin plat afin d'atteindre le site lui-même. Nous sommes pratiquement les seuls visiteurs. Nous nous asseyons en bas des montagnes, scrutons les rochers et attendons l’instant magique. Il faut regarder attentivement pour voir les wallabies des rochers car ils ont la même couleur que la roche. Nous restons un grand moment, entourés de wallabies de tous âges qui vaquent de rochers en rochers. Il y a aussi beaucoup d’oiseaux.

    Nous retournons petit déjeuner au point d’information car en passant tout à l’heure, Manu y a aperçu des prises de courant, alimentées bien qu'aucun ranger ne soit présent sur place. Nous en profitons pour brancher tous nos appareils. En repartant, sous mon oeil étonné, Manu se trompe de sens et nous voici de nouveau à l’endroit des wallabies. Ce n’est pas grave, on retourne voir. Nous croisons quelques touristes arrivés dans l'intervalle : personnes n’a vu de wallabies … nous avons bien fait d’y aller de bonne heure et de faire preuve de patience.

    Nous continuons dans le Parc national McDonnell Ouest, constitué d’une chaîne de montagnes, de gorges et de points d’eau dans un paysage par ailleurs plat et sec. Manu a prévu une journée cool à la soit-disant belle plage du point d’eau de l’Ellery Creek Bighole. Et mince, nous sommes dimanche, c’est un endroit très fréquenté par les locaux. On se contente de regarder. C’est joli mais on s’attendait à mieux. Il y a tellement de monde que nous repartons aussitôt. Manu trempe juste ses pieds.

    On reprend la route dans l’autre sens et on se dépêche d’aller à Alice Springs où nous comptons nous faire un petit plaisir tellement la chaleur est lourde : essayer de trouver une place dans un camping avec une piscine. Dès 16h00, on est dans l’eau de celle du camping G'day Mate pendant que nous avons mis le linge à laver. Nous profitons de l’eau jusqu’à la tombée de la nuit, récupérant nos forces car la chaleur étouffante et l’humidité ambiante sont accablantes. On a même la chance de pouvoir dîner dehors, sans mouches de sable.

    Lundi 13 mars

    Nous traînons un peu ce matin car nous profitons des commodités du camping : on se fait tout beaux (douches, rasages etc), on fait la vaisselle dans de vrais bacs avec de l’eau chaude et on s’autorise quelques brasses dans la piscine. Le propriétaire du camping nous montre un tout petit serpent mortel… mort. Avant d’attaquer la route prévue aujourd’hui, il va falloir faire un plein de courses mais avant, nous faisons une visite à Olive Pink Botanic Garden, le jardin botanique d’Alice Springs qui n’a vraiment rien d’exceptionnel.

    Nous prenons la route après avoir rempli le frigo et les placards. Et c’est parti pour 600 kms durant lesquels nous traversons le tropique de Capricorne !

    Nous nous arrêtons photographier les jolies formations rocheuses des Devils Marbles.

    Aujourd’hui, il a fallu éviter non plus les kangourous mais les vaches. On en a vu beaucoup sur le bord de la route, les sabots en l’air…

    Sur cette section qui va de Alice Springs à Katherine, la route traverse des étendues de bush où trônent majestueusement de nombreuses termitières de plus en plus hautes. Certaines sont habillées. On ne sait pas si c’est par des aborigènes ou par des touristes mais ça vaut le coup d'œil ! Alors j’ai décidé d’apporter ma contribution en accrochant un bout de mon chech … Je me suis résignée à en couper un bout (complètement dépiché), qui restera pour longtemps en Australie …

    Bien que nous ayons roulé pratiquement sans nous arrêter, nous devons trouver un campement 200 kms plus tôt que prévu car il fait nuit noire. Manu m’accuse d’avoir mis trop de temps à faire les courses, alors que j’essayais de grappiller quelques dollars en comparant les prix, comme à chaque fois… Nous passons la nuit à Attack Creek, une aire de camping gratuite le long de Stuart Highway. Là encore, il est inenvisageable de mettre un pied hors du van à cause des sandflies et des moustiques.

    Mardi 14 mars

    Nous apercevons un petit point d’eau en quittant l’endroit où nous avons dormi, ce qui explique peut-être la présence des insectes si nombreux. Dans la matinée, nous franchissons la barre des 5000 kilomètres parcourus depuis le départ ! Jusqu’au dernier moment, nous hésitons à aller dans le parc de Kakadu, plus au nord encore car c'est actuellement la saison des pluies. Nous avons vérifié la météo et nous avons foncé. Nous nous arrêtons à l’office du tourisme de la ville de Katherine où l’employé nous affirme que nous pourrons y voir de nombreux animaux, même si quelques pistes sont fermées. Après avoir vérifié un dernière fois la météo, nous achetons donc nos billets d’entrée pour le parc et profitons de l’heure de connexion offerte ici. Nous déjeunons au McDo où nous nous faisons aborder par un australien un peu allumé qui nous répète en boucle les mêmes choses. Puis nous cherchons une boutique dans laquelle nous pouvons acheter de l’alcool. Ici, tout est contrôlé pour éviter l’alcoolisme des aborigènes (pourtant bien imbibés à longueur de journée…) Le magasin est gardé par un policier qui nous explique que nous ne pouvons pas consommer notre bouteille dans la ville mais seulement une fois sur la route. Véridique ! Nous nous arrêtons à Arrêt à Harriet Creek, sur le bord de la route où, même chose qu’hier, il est totalement impossible de descendre du van tellement les mouches et moustiques sont nombreux. Dégoulinants de sueur, nous dînons à l’intérieur.

    Mercredi 15 mars

    Dès 6h30, nous prenons la route et nous roulons encore une heure avant de nous aventurer dans le parc de Kakadu par l’entrée sud. Nous sommes contents car nous entrons maintenant dans l’Australie du bush, de l’aventure, et de Crocodile Dundee, le film ayant été tourné ici. Nous devrions voir les plus grands crocodiles, qui sont les plus dangereux et qui n'hésitent pas à attaquer l’homme, qui mesurent plus de cinq mètres de long. Alors nous scrutons avec attention tous les points d’eau que nous croisons mais nous ne voyons pas la queue d’un des 6000 crocodiles du parc. Toutes les rivières, criques ou cours d’eaux du Kakadu National Park sont précédées d’un panneau « Attention aux crocodiles ». En cette saison, l’eau ne s’est pas encore tout à fait retirée et on trouve encore beaucoup de billabongs (cours d'eau qui ne s'assèchent jamais) remplis de freshies (crocodiles d’eau douce, non agressifs) et de salties (crocodiles d’eau de mer qui n’ont pas encore remontés la rivière vers la mer). 

    Le parc national de Kakadu dans le Territoire du Nord, s’étend sur 20000 km² ce qui en fait le plus grand parc national d’Australie. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, il abrite des milliers d’espèces différentes, un tiers des oiseaux d’Australie, 120 reptiles, 77 espèces de poisson, plus de 10000 insectes, un cinquième des mammifères du continent et les fameux crocodiles. Le parc se visite par ses différents sentiers et la durée des randonnées du Kakadu National Park peut varier d'une demi-heure à 2 jours. Bien que la plupart des pistes soient en ce moment fermées pour cause de route encore inondée donc impraticable et des crocodiles, nous faisons quand même quelques petites marches. A chaque arrêt, nous sommes seulement tous les deux. Il y a presque un silence inquiétant. Seules quelques mouches, moustiques, taons et libellules, viennent interrompre l’ambiance. Et pourtant, dans ces eaux terreuses, vivent des milliers de reptiles… Beaucoup d’arbres sont brûlés, ce qui indique la pratique de la technique ancestrale des feux volontaires. En effet, comme les aborigènes le faisaient avant eux, les rangers du parc continuent de provoquer des feux à des endroits précis pour renouveler la végétation. Une phrase Aborigène célèbre dit à ce propos : « Cette terre. Je ne la détériore jamais. Le feu n’est rien. Juste nettoyer. Quand tu brûles, une nouvelle herbe arrive. Ce qui signifie de nouveaux animaux, peut-être des goannas, des opossums et des wallabies. Tout brûler. Une nouvelle herbe arrivera. Et la vie tout autour. » En milieu de journée, nous nous arrêtons au Visitor Center où nous pouvons encore une fois lire des choses sur les Aborigènes : l'environnement du bush, la nourriture, les plantes médicinales… Il y a même deux « artistes » Aborigènes qui peignent des toiles et l’inévitable « boutique de souvenirs » dans laquelle on peut acheter un vulgaire sac en toile mais « aborigène » à 2000$ ! Pour déjeuner, nous allons sur les bords du lac de la « ville » de Jabiru, capitale du Kakadu National Park avec ses 2000 habitants. Nous savions que nous prenions des risques venant ici pendant la saison des pluies. De ce côté-là, nous avons beaucoup de chance, nous essuyons juste quelques grosses pluies d’orage pendant cette pause et aussi dans l’après-midi mais nous restons sous la pluie, rien que pour le plaisir tellement il fait chaud. Un dingo est tout de même apparu à travers les arbres juste avant de quitter le parc. C'est la première fois que nous voyons le Canis lupus, le "dingo" qui est le chien sauvage d'Australie, provenant probablement d'une population de chiens retournés à l'état sauvage et ayant ainsi formé une sous-espèce, plutôt qu'une espèce distincte.Il restera dans les parages juste le temps de cette photo fugitive.

    Nous visons de retourner dormir au même endroit que la nuit dernière car l'obscurité tombe quand nous sortons du parc. Le chemin du retour se fait à vitesse réduite car cette fois-ci, la route est jonchée de centaines de grenouilles dont certaines ne sautent pas du tout devant les roues.

    Jeudi 16 mars

    Pour la même raison qu’hier, nous prenons le petit déjeuner à l’intérieur du van. Mouches et moustiques sont partout et hyper voraces. Nous roulons quelques kilomètres seulement pour faire notre toilette à l’abri des regards. Autant dire que sous 35 degrés et un taux d’humidité frôlant les 80%, la chaleur est difficilement soutenable plus d’une journée.

    A Katherine, nouvel arrêt « connexion wifi gratuite » à l’office du tourisme qui permet de faire une pause dans cette longue journée de route. Après les kangourous, les vaches, les chouettes et les grenouilles, ce sont les varans et serpents que nous devons éviter (bon, le dernier, on a freiné un peu trop tard...) Nous nous dépêchons d'arriver à Kununurra car nous espérons avoir du réseau pour souhaiter l'anniversaire de Mimine. Malheureusement, nous sommes bloqués au poste frontière entre le nord et l'ouest : impossible de passer tout ce qui est fruits et légumes. Ceux qui me connaissent bien savent combien cela est difficile pour moi : j'avais fait mes courses 3 jours avant, pour 10 jours !!!! Alors on dort sur place, on fait cuire les pommes de terre, on mange toutes les carottes et la moitié des fruits au dîner, renfermés dans le van à cause des milliers de sandflies. On a même été obligé de calfeutrer toutes les issues avec du sopalin.

    Vendredi 17 mars

    Nous quittons le poste frontière après avoir terminé de manger nos produits frais et nous roulons quasiment toute la journée sans interruption. De toute façon, c'est dans le van qu'on est le mieux à cause de la chaleur. Nous nous arrêtons dans la petite ville de Kununurra car nous voyons un office du tourisme. Comme ils sont souvent équipés du wifi, nous nous garons juste devant et effectivement nous pouvons nous connecter. Alors on appelle Mimine (pour son anniversaire), Papa (que je n’ai pas eu depuis décembre), Maman et Charlotte (Emilie travaille). Dans les rues, les aborigènes errent comme des zombies, aux allures de tristes indigènes noyant leur peine dans les litres de vins premiers prix. Nous continuons la route en direction de Broome. La végétation change et nous voyons apparaître les premiers baobabs avant de nous arrêter près d’un ruisseau (à Dunham river rest area) pour passer la nuit gratuitement. D’autres véhicules sont déjà là et les gens dînent dehors. Nous nous demandons comment c’est possible, toujours à cause des sandflies et des moustiques, toujours plus nombreux.

    Samedi 18 mars

    Puisqu’il est de nouveau inenvisageable de sortir du véhicule, nous prenons la route dès notre réveil à 5h30 et nous nous arrêtons à Fitzroy Crossing. Il est encore tôt et les membres de l’office du tourisme se garent juste à côté de nous. Nous attendons qu’ils ouvrent à 8h et allons glaner des renseignements auprès d’eux et charger l’ordinateur. Nous prenons notre petit déjeuner sur le parking avant de poursuivre notre itinéraire. On voit que la saison des pluies vient à peine de se terminer car l’eau passe encore sur la route et certaines zones sont encore très marécageuses. Les baobabs sont de plus en plus gros.

    Pendant la pause déjeuner, nous avons la visite d’une grenouille qui erre sous la chaleur accablante. Je lui verse un peu d’eau sur le dos, ce qu’elle semble apprécier. Avant d’arriver à Broome, nous essayons d’aller vers une zone d'observation des oiseaux aquatiques mais il faut emprunter une piste qui, à cause de la saison des pluies, est impraticable. Nous essayons une deuxième piste sur la droite un peu plus loin qui devait nous conduire à plusieurs campings gratuits. L’état de la piste nous oblige là aussi à faire demi-tour assez rapidement. Nous arrivons tout de même à atteindre la mer en empruntant un petit chemin plus loin et nous arrivons dans un quartier résidentiel, loti de belles maisons entourées de beaux jardins avec des allées de baobabs. Ne trouvant pas les campings gratuits, nous décidons de filer vite jusqu’à Broome afin d’arriver avant la nuit. Nous comparons trois campings et choisissons de rester au Cable Beach Caravan Park. Il nous reste un quart d’heure pour profiter de la piscine qui ferme à 18h.

    Nous remontons ensuite dans notre van pour aller prendre l’apéritif sur la plage avec en bande son la musique d’un mariage qui a lieu dans un restaurant en bord de mer. Au retour, nous tentons de nous connecter au MacDo, sans succès. Nous assistons à une altercation entre aborigènes. La femme tape de manière répétée un homme du groupe qui en veut à sa bouteille d'alcool. Ils sont tous bien imbibés, trop sans doute pour se faire bien mal avec leurs coups maladroits.

    De retour au camping, je lave un peu de linge à la main dans la laverie où je vois une très jolie petite grenouille vert pomme posée sur le sol qui me regarde fixement. Le temps d’appeler Manu qui accourt avec l’appareil photo, elle a déjà sauté sur le mur, sous le plan de travail, ce qui complique un peu la prise de vue. Ce soir, on a du mal à y croire mais nous dînons à l’extérieur du van sans bêtes !!! Pendant que nous mangeons, nous entendons tout de même des battements d’ailes dans l’arbre juste au-dessus de nos têtes. Nous ne réagissons pas au premier abord car nous pensons qu’il s’agit juste de perroquets mais en regardant bien, nous voyons deux adorable petites chouettes podarges.

    Dimanche 19 mars

    Nous n’avons pas très bien dormi tellement il faisait chaud dans le van malgré les fenêtres ouvertes, nous étions trempés pendant une bonne partie de la nuit. La piscine ouvrant à 7h00, nous sommes à 7h01 dans l’eau pour en profiter un maximum. Nous y sommes tellement bien que Manu me propose de rester ici une journée de plus. Quelle surprise ! J’accepte avec joie et il faut que je me fasse violence pour quitter la piscine car Manu veut aller au syndicat d’initiative. Une fois les renseignements pris pour la suite du programme, nous achetons un peu d’épicerie au Woolworth avant de vite retourner au camping nous mettre dans l’eau. Il fait vraiment très chaud et nous passons plus de temps dans l’eau qu’à l’extérieur. Les oiseaux passent sous le voile d’ombrage pour venir boire dans la piscine.

    Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’y a pratiquement pas de contraste de température entre l’air et l’eau. En début d’après-midi, Manu veut quand même aller à la plage. Nous faisons alors juste un aller-retour (sous une forte chaleur) car il y a beaucoup de vagues. Nous profitons encore de la piscine jusqu’à la fermeture et nous nous préparons car ce soir, nous sortons. Manu me fait la surprise d’aller dans le plus ancien cinéma de plein air encore en fonctionnement. Pour faire les choses bien jusqu’au bout, nous nous arrêtons à Domino’s pizzas commander une pizza que nous pourrons déguster pendant le film. Nous piaffons d’impatience pendant la préparation car on nous a bien précisé d’être à l’heure, la porte étant fermée après. Nous entrons dans cette petite salle ouvrant sur un grand jardin (où règne une réelle atmosphère de cinéma) pour voir Hidden Figures. Je suis un peu angoissée au début car c’est en anglais. Je dois manquer quelques subtilités mais je comprends quand même assez bien.

    Echaudés la nuit dernière, nous nous couchons cette fois fenêtres, coffre et porte latérale grands ouverts.

    Lundi 21 mars

    Je me précipite piquer une tête dans la piscine avant de préparer le petit-déjeuner. Après la préparation de la salade pour ce midi, la vaisselle et le rangement afin d'être fins prêts à partir, nous fonçons à la piscine puisqu’il reste le temps d’en profiter avant le check-out à 10h00. Quelle n’est pas notre déception quand, alors que nous nous apprêtons à ouvrir le portillon, l’homme chargé de la maintenance nous informe qu’elle est fermée. On n’en comprend pas très bien la raison mais c’est un fait, quelque chose d’inattendu vient de se produire et en oblige la fermeture. Du coup, on file sous la douche pour nous rafraîchir avant de reprendre la route. Un petit arrêt à la plage avant et nous roulons encore toute la journée.

    L’Australie en van, cela signifie des milliers de kilomètres à rouler sur d’immenses lignes droites qui fusionnent avec l’horizon, transperçant un désert aride au sable qui vire de l'ocre au rouge. On y voir des kangourous suicidaires tenter de se jeter sous nos roues ou des charognards qui déploient leurs ailes après s’être sustentés d’une chair morte, cuite par un soleil de plomb. C’est vrai que nous passons beaucoup de temps dans notre petit van. Alors pour éviter tout risque d'assoupissement, on chante "il fait chaud", on fait tourner les serviettes, on se marre sur "le petit bonhomme en mousse" (sa femme aussi d'ailleurs) et on hurle sur "les sardines". Vive Patrick Sébastien !

    Suivant les conseils de la dame de l’office du tourisme de Broome, nous nous arrêtons dans l’après-midi sur la plage de Eighty Mile Beach, qu’elle nous décrit comme étant son endroit préféré. Nous ne voyons pas beaucoup de différence avec la plage de Broome mis à part les millions de petits coquillages qui jonchent le sable… Nous nous baignons un court moment avant de continuer la route. Sur cette piste, nous sommes accompagnés, à l’aller comme au retour, de milliers de criquets dont de nombreux viennent malheureusement s’écraser sur notre pare-brise avec violence.

    Nous trouvons un endroit pour dormir gratuitement sur le bord de la route (De Grey River).

    Mardi 21 mars

    Nous partons directement à Port Hedland dans le but d’y prendre le petit-déjeuner. A l’entrée de la ville, nous passons devant une montagne de sel.

    Installés devant notre bol de muesli, nous rencontrons un jeune homme qui vient nous aborder. Il est étonné de nous voir dans cette ville minière, qu’il trouve laide et sans intérêt. Il est ici pour des raisons professionnelles. Il travaille dans le transport industriel de minerais. Il nous raconte que les conducteurs des bateaux transportant le minerai de fer ont une telle responsabilités qu’ils gagnent des sommes astronomiques (900 000$ par an). En quittant la ville, nous surplombons une voie de chemin de fer sur laquelle des trains de plusieurs kilomètres transportent d’innombrables wagons de minerais de fer.

    De nouveau sur la route, nous trouvons une station Shell qui offre la possibilité de nous doucher pour 4$ chacun. C’est un peu cher mais il faut bien en passer par là de temps en temps. Nous entrons dans le parc de Karijini dans l’après-midi. En cherchant le camping, nous voyons un lézard à langue bleue traverser la route. C’est une espèce unique en Australie et nous désespérions d’en trouver un. Le temps de faire demi-tour, de freiner, de sauter du van, nous avons juste le temps de prendre une photo avant qu’il ne disparaisse dans les buissons.

    Nous allons ensuite au point de vue qui nous donne un aperçu de la marche que nous voulons faire le lendemain matin et nous nous installons pour passer la nuit.

    Mercredi 22 mars

    Je voulais partir de bonne heure pour faire la marche de Dales Gorge avant que la température soit trop élevée. Il n’en est rien car ce matin, le ciel est couvert. C’est regrettable car sous le soleil, cette promenade doit être vraiment jolie. Je garde malgré tout un bon souvenir de ce moment. Nous voyons de nouveau beaucoup d’insectes et des lézards que nous photographions à travers les gouttes de pluie qui nous accompagneront quasiment tout le long de la marche. Nous terminons par la cascade de Fortescue où, sans le savoir, nous croisons Hervé pour la première fois. Nous partagerons de nombreux autres moments ensemble dans les jours à venir.

    Nous finissons notre marche sous une pluie qui s’accélère. Nous envisageons alors d’aller au Visitor Center afin de voir comment nous pourrions organiser au mieux le reste de la journée. Du van nous courrons vers l’office sous un déluge de pluie. Les nouvelles météorologiques ne sont pas bonnes car un cyclone est annoncé. Pour continuer la visite du parc, pas d’autre choix qu’un dernier point de vue, toutes les autres pistes étant fermées par mesure de sécurité. Hervé arrive un peu après nous, bien trempé, ainsi qu’un couple de jeunes français (elle, travaille chez Apollo en Australie et lui est venu la rejoindre pour des vacances). Nous nous interrogeons tous sur la suite du programme. Hervé décide d’aller au point de vue, les jeunes veulent tenter d’atteindre Coral Bay dans la journée bien que la route soit très longue. Nous les recroiserons plusieurs fois dans les heures qui suivront. Quant à nous, nous allons déjeuner dans un petit chemin dans le parc avant de continuer notre route.

    Dans l’après-midi, nous nous arrêtons à l’office du tourisme de Tom Price car l’ordinateur n’a plus du tout de batterie. Contre 2$ nous pouvons le recharger. L’idée d’avoir un petit morceau de minerai de fer plait beaucoup à Manu. Du coup, j’ai le droit à une petite bague.

    Nous roulons encore alors que la nuit est largement tombée, jusqu’à atteindre l’aire de repos « Beasley River » où nous pouvons passer la nuit sans payer.

    Jeudi 23 mars

    En me réveillant, je reconnais la voiture d’Hervé sur le parking. Il a le nez dans le capot. Manu va proposer son aide. Hervé a perdu le bouchon du vase d’expansion il y a quelques jours et du coup, l’eau s’évapore vite. Ils essaient tous les deux de trouver une solution pour faire tenir un autre bouchon. En quittant le camping, Manu a une nouvelle idée pour Hervé, ce qui nous oblige à faire demi-tour pour la lui livrer.

    Après avoir roulé une grande partie de la matinée, nous nous arrêtons prendre de l’essence à la station Essence Caltex « Nanutarra Roadhouse ». Il y a tant de sandflies et des sauterelles qu’il est pratiquement impossible d’ouvrir les yeux. Nous prenons tout de même le temps d’approcher une fort jolie sauterelle de très près.

    Quelques kilomètres plus loin, nous voyons une buse sur le bord de la route. On tente un demi-tour en espérant qu’elle soit toujours là. En allant vraiment tout doucement, nous arrivons à l’approcher à quelques mètres sans qu’elle ne fuie.

    Dans un arbre tout près d’elle, de nombreux diamants mandarins piaillent à tue-tête. Chez les oiseaux, les soins parentaux consistent généralement à construire un nid, couver les œufs et nourrir les oisillons. Chez le diamant mandarin (Taeniopygia guttata), les couples sont très unis et partagent équitablement toutes ces tâches. Ainsi, pendant l'incubation, le mâle et la femelle passent autant de temps l'un que l'autre à couver les œufs, en se relayant toutes les 30 minutes environ. Lorsqu'un oiseau revient au nid pour remplacer son partenaire, le couple fait un échange de cris semblable à une discussion: le mâle et la femelle alternent leurs cris de manière organisée. En milieu naturel, un oiseau qui quitte le nid pour aller se nourrir doit partir au loin et perd donc tout contact avec son partenaire resté sur les œufs. Dans une étude, cette séparation a été reproduite en captivité en construisant une grande volière avec deux pièces distinctes : une zone de nidification et une pièce où les oiseaux peuvent se nourrir. Ce dispositif a permis de perturber l'organisation des couples en bloquant le mâle en dehors de la zone de nidification pendant une heure. Il a ainsi été contraint de s'absenter deux fois plus longtemps qu'à l'ordinaire. Afin de mesurer l'effet de ce retard sur le comportement des partenaires, leurs allées et venues ont été suivies grâce à des puces radiofréquence fixées à leur bague et leurs échanges vocaux ont été enregistrés à l'intérieur des nids. Lorsque le mâle arrive en retard au nid, le couple a un échange vocal plus court et plus rapide qu'en temps normal. De plus, le contenu de cet échange accéléré détermine la répartition des tâches qui va suivre : plus le mâle émet de cris lors de cet échange et plus la femelle reviendra rapidement au nid à son tour pour prendre la relève. Si le mâle crie peu, la femelle partira d'autant plus longtemps qu'il aura été en retard. Les diamants mandarins discutent donc pour se partager le temps que chacun va passer sur les œufs.

    Encore un peu plus tard, ce sont d’énormes termitières qui nous surprennent. Les termitières que nous rencontrons sur la route entre le parc de Karijini et Exmouth sont bien plus que de vulgaires monticules de terre. Ce sont de véritables royaumes comportant un roi, une reine, des soldats et des travailleurs bouillonnant d'activité. Des millions de termites vivent dans chaque monticule et chacun a un rôle particulier à jouer dans cet environnement social très complexe. Les termites travailleuses élèvent une termitière en utilisant la poussière et leur salive. Elles construisent une série de tunnels afin de garder la termitière à température quasi constante. Les termites de cette région sont des termites Spinifex et elles produisent les termitières les plus larges d'Australie. Le roi et la reine diffèrent de leurs subordonnées car elles ont 4 ailes et beaucoup d'yeux. Cependant, quand les reines s'apprêtent à accoucher, elles perdent leurs ailes et grossissent. Les termites ordinaires n'ont ni yeux ni oreilles. Elles ne se déplacent que grâce à leur odorat. Ces dernières sont de toute petite taille. Il n'y a que le roi qui approche la taille de la reine. Le roi et la reine ont leur propre chambre qui sert également de nurserie au moment où la reine accouche de centaines d'œufs de termites en une heure. Le couple royal a la vie la plus facile de la termitière, vivant en sécurité puisqu'ils sont en permanence protégés. De ce fait, ces deux-là peuvent vivre jusqu'à 30 ans !

    Nous atteignons enfin Exmouth en milieu d’après-midi. Nous allons directement à l’office du tourisme. Manu avait l’intention de m’emmener voir les requins baleines pour mon anniversaire. Ici, les requins sont repérés par de petits avions qui indiquent ensuite aux bateaux où les animaux se trouvent. On les voit donc en liberté complète contrairement à ce que nous avons fait aux Philippines. Nous savions que cela coûtait très cher mais quand l’employée nous annonce que l’excursion coûte désormais 370$ par personne, nous réfléchissons sérieusement à l’idée d’y aller. Nous décidons d’un commun accord de refuser ce projet, d’autant plus que la météo est incertaine. Nous essayons plutôt de savoir avec précision où nous pourrions voir des tortues. La réponse n’est pas encourageante : on peut bien-sûr essayer à différents endroits que la dame nous indique mais il faut bien avoir à l’idée que nous arrivons en fin de période de ponte, et que les éclosions sont pour leur part beaucoup plus aléatoires. Nous profitons de l’heure de connexion gratuite pour faire des posts sur Facebook et télécharger des musiques sur Deezer. Une fois ces travaux terminés, nous donnons l’ordinateur à recharger. La fille du comptoir nous demande 1,5$ au lieu de 3$ car il ne reste pas une heure complète avant la fermeture. Pendant ce temps-là, nous allons acheter un « holiday pass » (à 32 $ valable 4 semaines) qui nous permettra d’accéder à tous les parcs nationaux de la région de l'ouest jusqu’à la fin de notre séjour en Australie. De retour à l’office du tourisme, on nous rembourse même nos 1,5$ car la charge n’a malheureusement pas fonctionné à cause du chargeur trop sensible du Mac.

    Il faut maintenant faire des courses avant de rejoindre le parc national de Cape Range. Avant même de rentrer dans le parc, nous nous arrêtons à Jurabi Point, connu comme étant à spot à tortues. Les plages de la côte de Ningaloo sont réputées comme étant un haut lieu de naissance des tortues marines. 3 des 7 espèces de tortues marines du monde viennent pondre ici chaque année, de novembre à mars : les tortues vertes, les tortues caouannes et les tortues imbriquées. C'est entre 6 et 8 semaines d'incubation plus tard que la naissance des petites tortues a lieu. Imaginez donc mon excitation et ma motivation pour essayer de voir cela, moi qui adore les tortues. Les tortues marines ont un caractère migratoire extrêmement marqué. Elles sont capables de parcourir plusieurs milliers de kilomètres (jusqu'à 2000 Km) en quelques semaines entre leur site de ponte et leur site d'alimentation. Effectivement, on voit des trous de pontes absolument partout en même temps que le soleil nous offre un rayon vert au moment de son coucher !

    Il fait nuit noire quand nous remontons dans le van. Un peu plus loin, nous avons l’immense chance de voir 3 dingos en train de chasser sur la route. J’ouvre ma fenêtre pour mieux les photographier et on voit comme leur flair est développé. Ils frôlent le véhicule en levant la tête. J’ai bien entendu remonté les fenêtres car je ne suis pas très rassurée.

    Nous nous arrêtons à « Tantabiddi Boat Ramp » pour dîner car l’endroit est très venteux et nous espérons ainsi braver les moustiques. Nous utilisons ensuite l’éclairage extérieur pour nous laver au seau. Il est tellement tard quand nous arrivons au poste de contrôle du parc que le garde est parti et il faut par conséquent nous débrouiller tout seuls. Pas de problème concernant les droits d’entrée puisque nous avons notre pass mais en revanche, il est beaucoup plus compliqué de comprendre comment payer le camping. On espère alors trouver une « honesty box » à l’entrée de Neds Camp. Comme ce n’est pas le cas, nous filons au Visitor Center dans l’espoir d’y trouver des enveloppes dans lesquelles on glisse l’argent de la nuitée. Rien du tout là non plus. J’ai beau tenter de rassurer Manu en lui disant que si nous avions un contrôle nous pourrions nous expliquer auprès du ranger, il est inquiet. L’idée de dormir sans payer le met mal à l’aise mais nous n’avons pas vraiment le choix.

    Vendredi 24 mars

    Arrivés de nuit, nous n’avons pas pu voir la mer alors nous marchons jusqu’à la mer avant de lever le camp. Quelle ne fut pas notre surprise de voir Hervé arriver ! Il a reconnu notre camper van et n’a pas eu de mal à nous trouver. Marchant sur la plage, je suis étonnée de le voir avec une plume dans la main. Il nous promet de nous raconter son histoire si nous en avons l’occasion plus tard. Nous décidons de prendre notre petit déjeuner tous les trois. Hervé est un peu plus âgé que Manu. Il est informaticien et a négocié une rupture conventionnelle en 2016 car ses conditions de travail se détérioraient. Parallèlement, il a divorcé de sa femme et a pris la route en janvier. Il a commencé par rejoindre son fils aîné qui finissait un contrat en Tasmanie. Ensemble, ils ont rejoint l’Australie. Hervé compte ensuite aller en Asie (Vietnam ? Cambodge ?) et peut-être terminer au Canada si son deuxième fils part y travailler. Il se déplace en stop. Arrivé à Perth avec son fils, il a commencé à remonter la côte ouest. A Coral Bay, il a été pris en stop par Anna, une australienne d’Exmouth venue ici s’acheter une voiture. Rapidement, elle lui a demandé s’il accepterait de remonter son ancienne voiture. Le parc de Karijini étant dans ses projets, il lui a demandé s’il pourrait garder la voiture quelques jours. Ils se sont mis d’accord et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes rencontrés dans le parc !

    Manu invite Hervé à nous raconter l’histoire de sa plume d’oiseau. C’est en réalité une plume d’ange … Et là, Hervé qui fait du théâtre, se met en scène pour nous raconter pendant près d'une demi-heure un conte... de Claude Nougaro. Une expérience pour le moins inattendue à 15000 kilomètres de la France!

    Nous avons prévu d’aller au Visitor Center nous renseigner sur les meilleurs endroits pour snorkeler. Hervé se joint à nous car il a envie de profiter de notre expérience pour aller voir les poissons. Sur la route en direction d’Oyster Stacks, nous nous arrêtons pour observer de grands oiseaux terrestres, deux outardes. Ce sont des mâles, la femelle étant plus petite et possédant des marques éparses sombres sur le dessus. Son cou est aussi plus gris et son plumage plus terne.

    Hervé n’a pas de masque alors nous lui donnons nos lunettes de piscine car nous ne nous en servons de toute façon jamais. Manu apprécie la plongée alors que moi, je la trouve moyenne (d’autant qu’il faut faire attention aux méduses) mis à part la tortue très peu farouche qui s’est laissée approcher de près.

    Hervé avait prévu d’aller voir les canyons de l’autre côté. Nous nous séparons donc et nous nous donnons rendez-vous à 16h30 à Fives Miles, un autre endroit où nous pouvons tenter de voir des tortues. Manu et moi allons déjeuner à Turquoise Bay avant de plonger. La plage est jonchée de méduses. Nous rencontrons d’ailleurs une touriste qui vient de se faire brûler au bras par une d’entre elles sous l’eau. Nous enfilons nos combinaisons malgré la chaleur pour nous protéger à la fois du soleil et des méduses. Nous voyons de nombreux poissons chats, un joli vert plat et un nudibranche encore inconnu de nous deux.

    Nous avons déjà dépassé l’heure du rendez-vous à Fives Miles mais Manu veut prendre de l’essence avant que l’unique station soit fermée. A la pompe, nous retrouvons Hervé lui aussi en train de remplir son réservoir. Ouf, nous ne sommes pas trop en retard ! Ensemble, nous partons à la recherche des tortues. Nous suivons très longtemps les traces d’un varan, redoutable prédateur qui se régale des œufs de tortue. Nous ne trouvons malheureusement que des coquilles vides, mais il est amusant de mener l'enquête à la recherche des moindres traces pouvant nous indiquer la présence des tortues, adultes ou juvéniles, ou de quoi que ce soit qui puisse nous mener à elles.

    Dans la nuit, nous dînons tous les trois à la lueur de la lampe frontale de notre ami et de notre bougie. Hervé retourne dormir à Neds Camp tandis que nous allons faire un petit safari nocturne tous les deux pendant lequel nous voyons des dizaines de kangourous, un serpent et de nouveau des dingos (pas les mêmes, il y en a un qui est noir). Nous appliquons les consignes données à l’office du tourisme pour payer le camping : il faut retourner au poste de contrôle, mettre l’argent dans l’enveloppe qui sert aussi à payer l’entrée du parc (alors que nous en cherchions une différente hier soir) avant de l’introduire dans une urne qui s’avère archi pleine. Il faut forcer pour mettre la nôtre, ce qui prouve bien que nous sommes encore en basse saison et que les contrôles n’ont pas lieu puisqu’elle n’est jamais relevée. Mais bon, Manu s’endort bien plus sereinement une fois garés à Mesa Camp !

    Samedi 25 mars

    Nous nous retrouvons de très bonne heure avec Hervé (5h30, avant le lever du soleil) à Five Miles dans l’espoir d’augmenter nos chances de voir des tortues. Encore une fois, nous voyons beaucoup de trous. La tortue utilise uniquement ses nageoires arrière pour enlever minutieusement le sable et former ces cavités d’environ 60 cm de profondeur en forme de poire. Elle pond ensuite environ 125 œufs blancs ressemblant à des balles de ping-pong avant de les recouvrir à l’aide de ses nageoires arrière tout d’abord, puis les 4 pattes ensemble pour finir de camoufler le nid. Elle est épuisée à la fin de la ponte. Nous trouvons des coquilles, flexibles et résistantes contrairement à celle des poules qui sont cassantes).

    Pendant le petit-déjeuner que nous prenons tous les trois, Hervé nous raconte qu’il est allé se laver à l’unique point d’eau du camp et que deux kangourous, assoiffés, se sont approchés très près de lui. Cela ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde et je compte bien exploiter cette information un peu plus tard. Tandis qu’Hervé nettoie au mieux sa voiture car il doit la rendre aujourd’hui, nous essayons de redormir un peu, en vain.

    Hervé nous quitte après que nous ayons pris soin d’échanger de quoi nous contacter (numéro de téléphone et blog www.hmmm.over-blog.com). Manu et moi allons faire une promenade sous l’eau à « Oyster Stacks » pendant laquelle nous voyons un gros poulpe, une raie pastenague mais aussi et surtout quelque chose d’impressionnant que nous nommons « raie-requin ». Nous n'étions pas bien loin car en cherchant sur Internet, on apprend qu'il est difficile de trancher entre la raie guitare ou le requin guitare. Les scientifiques ne tombent pas d'accord sur la réponse ; a priori il s'agit du même animal avec des caractéristiques de la raie sur la partie supérieure et par contre l'extrémité du corps du requin. Nous ne soupçonnions même pas son existence, nous qui plongeons depuis 30 ans: nous avons encore beaucoup de choses à apprendre...

    Nous déjeunons à l’ombre d’un arbre près de Neds Camp avant d’aller snorkeler à « Lakeside » . Je ne reste pas longtemps sous l’eau car il y a vraiment trop de méduses. Je passe mon temps à les éviter et du coup, je ne regarde pas du tout les poissons. Nous descendons ensuite tout à fait au sud de Cape Range. Manu vérifie ici que la route directe pour Coral Bay est inaccessible si on n’a pas de 4X4. Il nous faudra faire un grand détour quand nous voudrons nous y rendre dans les jours prochains. Nous marchons un peu dans le canyon de Yardee Creek, entourés de kangourous, mais nous ne nous attardons pas car l’heure tourne et nous voulons renouveler notre recherche de tortues.

    Le soleil commence à être rasant, les kangourous sortent de l’ombre pour se nourrir et du coup, sur le chemin du retour, nous en voyons des dizaines. Des petits, des gros mais aussi beaucoup de femelles avec leurs petits. Pour la première fois, nous voyons des mâles se boxer. Les scènes sont tellement belles que nous passons beaucoup de temps à les photographier et du coup, nous jugeons qu’il est trop tard pour essayer de voir des tortues.

    Nous nous rendons au point d’eau pour nous laver. Les kangourous sont très actifs une fois le soleil couché, et du coup, nous installons notre table et dînons tout près d’eux pour en profiter un maximum. Nous les observons avec bonheur et nous voyons comment les dominants arrivent à se faire respecter des plus faibles. Nous retournons dormir à Mesa Camp, cette fois sans payer car il est tard et que nous prévoyons d’aller voir les tortues très tôt demain matin, espérant en même temps éviter les rangers qui feraient leur ronde de bonne heure.

    Dimanche 26 mars

    Nous ne voyons toujours pas de tortues. Pourtant, des traces fraîches nous prouvent qu’il y en a bien qui viennent encore pondre. Malgré tout, Manu pense qu’il vaut désormais mieux nous concentrer sur l’éclosion des œufs puisqu’elle a lieu entre 45 et 65 jours après la ponte, ce qui semble correspondre effectivement mieux aux trous majoritaires.

    Je demande à Manu de nous arrêter au point d’eau à chaque passage dans l’idée d’approcher les kangourous tellement près que je pourrais parvenir à les toucher … Nous commençons donc dès maintenant mais avant, il faut prendre de l’essence. Il y a une pompe à l’unique camping du parc (Yarde Creek Homestead). Manu se renseigne de nouveau au sujet des tortues. La fille ici nous conseille de changer de lieu. C’est en face de l’antenne qu’on aurait le plus de chance. Elle confirme l’idée de Manu : il faut y être une fois la nuit tombée et se concentrer plus sur l’éclosion des œufs plutôt que sur la ponte. Encore faut-il tomber dessus au bon moment ... Une fois au point d’eau, munie d'une bouteille d'eau, je demande à Manu de préparer l'appareil photo, je suis sûre de pouvoir tenter une meilleure approche. Peu de temps après, un kangourou vient boire près de moi, conformément à ce que je prévoyais. Bon, je ne l'ai pas touché, mais je n'ai pas dit mon dernier mot !

    Nous allons ensuite déjeuner à Turquoise Bay. Nous nous autorisons une petite sieste dans le van. Il fait très chaud mais en ouvrant le coffre et la porte latérale, on dort un tout petit peu avant de prendre la route en direction de la sortie du parc. Nous envisageons de dormir dans un camping à Exmouth car il faut recharger la batterie du van et faire le plein d’eau. Sur la route, nous nous arrêtons sur la plage de Mauritius, la plage naturiste du parc. Il n’y a personne alors nous fonçons nous baigner tous nus. Je suis contente car je sais quel effort cela représente pour Manu. Nous atteignons les 10000 kilomètres en sortant de la péninsule. A Exmouth, nous nous arrêtons acheter une bouteille de rosé. Sur le parking, un émeu accepte de se faire photographier. Rapidement, il est attiré par l’appareil photo et s’approche un peu trop près de nous. Nous ne sommes plus en territoire aborigène, il est donc beaucoup plus facile d’acheter de l’alcool.

    Nous entrons dans un premier camping mais nous jugeons la piscine trop petite alors nous allons voir à Ningaloo Caravan & Holiday Resort qui correspond parfaitement à nos attentes. Nous allons nous rafraîchir dans la piscine avant de repartir dans le parc chercher nos tortues. Nous recevons un texto d’Hervé qui nous donne des nouvelles. Nous l’informons que nous sommes sur le point de repartir dans le parc mais il préfère rester en la bonne compagnie d’Anna… Munis de notre lampe torche, nous arpentons les 900 mètres qui séparent l’endroit où nous nous sommes garés de la plage où nous partons à la recherche des nids de tortues. En cherchant sur Internet, j’ai lu que les femelles tortues viennent en général pondre leurs œufs la nuit. Une tortue qui sort de l’eau et arrive sur la plage est très sensible et peut vite faire demi-tour si elle se sent en danger. C’est pourquoi nous marchons tranquillement et le plus possible sans lumière (nos yeux s’adaptent à l’obscurité). Il y a bien des trous de ponte mais nettement moins nombreux qu’à Five Mile. Pas la moindre trace de tortue mais en revanche, on se régale du spectacle que nous offrent ce soir les crabes en faisant un festin d’oursins. Le retour au camping est très difficile. Nous sommes très fatigués et la quarantaine de kilomètres pour arriver au camping nous semble interminable.

    Lundi 27 mars

    Nous sommes dans l’eau dès 7h00, heure d’ouverture de la piscine. Pendant le petit déjeuner, nous prenons en considération l’offre du camping qui propose gratuitement la 4 ème nuit passée ici. Les calculs sont faits, nous restons ici trois nuits de plus ce qui nous permet de bénéficier des émeus, des facilités (douches et toilettes) et nous voyons tellement de choses dans ce parc que nous sommes contents d’avoir décidé d'y rester un peu plus longtemps que prévu. Nous prenons alors vraiment notre temps toute la matinée au bord de la piscine. Il y a le Wifi qui nous permet d’avancer sur nos photos et carnet dans un cadre plus que confortable.

    Passage obligé au point d’eau avant d’aller voir les tortues : je me rapproche vraiment cette fois des kangourous mais je n’arrive toujours pas à les toucher.

    Nous avons le temps de voir le soleil se coucher, en compagnie de kangourous qui semblent avoir eu la même idée que nous, avant d’aller de nouveau à la recherche de petites tortues. Manu est adorable et me suit chaque fois sans rien dire. Il faut quand même préciser qu'on est absolument les seuls à faire ce genre d'expérience !!! Cette fois, je commence à déchanter. C'est la température extérieure qui est à l'origine de ce que l'on appelle l'émergence. Tant que celle-ci est trop forte, les petites tortues resteront enfouies, dès que celle-ci baisse, les petites tortues sortent pour rejoindre la mer. Il est fréquent que des émergences aient lieu en fin de journée, ou quand le ciel est nuageux, ce qui est le cas ce soir. Pour distraire Manu, je commence à lui demander si on peut calculer les chances de tomber sur de petites tortues quand tout à coup, la magie opère et nous vivons un moment inoubliable. Plusieurs minuscules carapaces semblent littéralement surgir sous nos pas, nous devons même faire attention à ne pas les piétiner.

    Sur la plage, les tortues émergentes se dirigent instinctivement vers l'horizon le plus lumineux, normalement situé vers la mer et ainsi elles fuient les formes sombres des dunes et de la végétation. Ce soir, c'est une nuit sans lune alors je les guide vers la mer avec ma lampe de poche en faisant très attention à la lumière qui peut vraiment les désorienter quand elles recherchent le chemin de la mer. Il faut entre 1000 et 2000 jeunes tortues à la naissance pour avoir un adulte. Sélection naturelle impitoyable, alors je ne sais pas si on en a sauvé une seule… C’est le plus beau cadeau d’anniversaire, avec un peu d’avance que je pouvais avoir !

    Mardi 28 mars

    Avant de regagner le parc, nous allons au magasin de la chaîne locale IGA faire quelques courses, dans l’espoir aussi de trouver une lampe plus puissante que la nôtre. Nous en trouvons une qui va également sous l’eau, ce qui peut toujours nous être utile. Il fait trop chaud quand nous arrivons au point d’eau. Les kangourous sont tous allongés à l’ombre des arbres mais très peu nombreux près du point d’eau. Je leur verse quand même à boire plusieurs fois pour qu’ils me repèrent avant d’aller voir le coucher de soleil qui nous offre ce soir encore un beau rayon vert. En allant chercher des tortues, nous voyons un beau serpent sur la route.

    Armés de notre grosse lampe, nous trouvons de nombreuses tortues mais ce soir, elles sont toutes coincées sous les rochers alors nous menons une opération de sauvetage.

    Ce soir, pour éviter de nous endormir au volant, nous dénombrons les kangourous que nous voyons au bord de la route : pas moins de 143 !

    Mercredi 29 mars

    Nous commençons par nous arrêter à Mauritius. Un couple est là, à l’abris d’un parasol. Nous choisissons un endroit éloigné afin que chacun ait son intimité. Un peu après, c’est un couple de personnes âgées qui vient pêcher. Au point d’eau, alors que je remplis la bouteille, un petit kangourou vient tout près de moi. Puis je recommence mon approche en versant de l’eau dans lequel ils viennent boire jusqu’à réaliser mon rêve : je touche un kangourou sauvage en pleine nature !

    Nous avons de nouveau droit à un rayon vert malgré le ciel très menaçant avant que le soleil ne s’engouffre dans l’océan. On entend l’orage gronder au loin, on voit des nuages se déverser sur Exmouth mais nous réussissons à passer à travers les gouttes. Ce soir, l’unique tortue que nous voyons est entre les pattes d’un crabe, prête à être dévorée. Je course le crabe qui finit par libérer la petite tortue de sa grosse pince. Nous la remettons sur le bon chemin et elle prend la direction de la mer. En rentrant au camping, le terrain détrempé nous confirme que l’orage a bien éclaté ici. A l’endroit du barbecue, les fourmis font un festin des sauterelles. Nous dînons à l’abri du coffre pour éviter la pluie qui continue, de plus en plus fort même.

    Jeudi 30 mars

    Nous profitons de la piscine et quittons le camping à 10h. Nous prenons le chemin en direction de Cape Range pour la dernière fois. Nous nous décidons ce matin d’aller au point de vue du phare qui permet d’avoir une vue panoramique. Il fait tellement chaud qu’il est impossible de voir le moindre kangourou. Ils ont même déserté ce matin l’ombre des arbres autour du point d’eau. Par contre, pour la première fois, nous voyons des émeus dans le parc.

    Nous allons explorer une dernière fois les fonds marins en retournant Turquoise Bay. L’impression visuelle en arrivant sur la plage est saisissante. C’est vraiment très beau d’autant plus que toutes les méduses sont parties. C’est incroyable ! C’est une plongée un peu technique car il y a beaucoup de courant à cet endroit, comme la première fois. L’avantage, c’est que les coraux étant assez haut, nous pouvons sans difficulté nous accrocher et profiter pendant de longues minutes de superbes perroquets de toutes les couleurs. Puisque nous sommes immobiles, ils n'hésitent pas à nous approcher de très près. Les poissons semblent avoir ici une distance de sécurité inférieure à celles qu'ils conservent dans les pays où la chasse sous-marine est autorisée. Il y a aussi de nombreux empereurs d’âges (et donc de couleurs) différents, des poissons arlequin et un énorme requin à la fin que nous n’arrivons pas à identifier. Comme nous n’avons pas vu de pointe blanche ou noire au bout de l'aileron (signe distinctif des requins de récifs), on ne tarde pas à sortir de l’eau, après cette sortie sous-marine qui restera

    Nous regardons le soleil se coucher après une longue journée à avoir distribué avec générosité rayons et UV. C’est sans doute la dernière occasion (de notre vie, snif) que nous ayons de voir des petites tortues alors nous balayons la plage de Mauritius de droite à gauche car quand nous sommes venus tout à l’heure, nous avons vu des milliers de traces de petites pattes en direction de la mer qui nous prouvent que des éclosions ont eu lieu la nuit dernière. Malheureusement, nous n’avons pas la même chance que les soirs précédents. Comme il est tard, nous décidons de rester dormir sur le parking.

    Vendredi 31 mars

    Après le genre de nuit où on ne dort pas très bien car la peur de se faire réveiller par les rangers est toujours dans un coin de la tête, Manu est sur la plage dès 5h00. Comme c’est mon anniversaire, je crois qu’il aimerait bien de nouveau trouver une éclosion de tortues mais il revient bredouille. Il me réveille avec la chanson de Patrick Sébastien dédiée à la circonstance et nous quittons immédiatement le parc de Cape Range. Nous nous arrêtons quelques heures plus tard pour prendre le petit déjeuner, juste après avoir vu des chevaux sauvages. Manu s’étant levé tôt fait un tout petit somme pour récupérer.

    Il est encore tôt quand nous arrivons à Coral Bay. Nous excluons toute de suite la première possibilité de nous arrêter. L’endroit est très beau mais petit et il y a vraiment trop de monde, sur la plage comme dans l’eau. Nous continuons jusqu’au bout de la route. Il fait terriblement chaud. Aussi, à peine garés, nous nous précipitons sous l’eau. Il n’y a vraiment pas grand-chose à voir si ce n’est un gros banc de sardines qui m’enveloppe. C’est assez inattendu. On ne peut pas rester sur la plage car le moindre coin d’ombre est occupé. On profite de l’ombre du van pour écrire les paroles d’une chanson pour mon anniversaire sur l’air de « l’anniversaire de M. Grégoire », interprété par les Bombes de Bal.

    On se déplace ensuite un peu pour trouver un endroit où tourner une vidéo. A cause de la chaleur qui nous empêche vraiment de rester au soleil dans les dunes, on ne fait que deux essais mais cela est bien suffisant. Pendant que Manu fait le plein d’essence, je poste notre production sur Facebook. Près de la station, nous voyons un petit oiseau sous la vigilance d’un de ses parents.

    Avant de partir, nous cherchons un endroit pour déjeuner : pas d’autre choix que l’ombre d’un arbre devant ce qui sert d’office du tourisme, à l’entrée de la petite ville. Pendant la cuisson des pâtes, je change entièrement l’élastique de ma jupe. Comme souvent lorsque nous sommes en hauteur et que la route offre un point de vue, toutes sortes d’objets rassemblés (allant du nain de jardin à la pierre gravée) par les familles ou amis rendent hommage aux défunts d'ici ou d'ailleurs.

    Samedi 1er avril

    Nous entrons dans le parc de Kalbarri alors qu’il fait déjà très chaud malgré l’heure matinale. A cause de la saison des pluies, la route est coupée à partir de Z Bend. Nous nous contentons donc du point de vue de Ross Graham, protégé du vide par une rembarde métallique qui nous envoie un choc d'électricité statique très fort à la moindre tentative d’approche. Nous mettons d’ailleurs en garde un groupe de jeunes allemands qui semble nous prendre pour des dingues. Quelques minutes après notre départ, nous entendons des cris : ils ont dû vouloir tester par eux-mêmes … Un peu plus loin, nous descendons jusqu’à la rivière en faisant la petite marche de Hawks Head. Nous sommes un peu déçus de cet endroit dont les brochures promettaient une belle faune et une belle flore. Nous ne voyons rien de tel.

    Nous arrivons dans la ville de Kalbarri avant l’heure de fermeture pour le week-end à 12h30 de l’office du tourisme. La femme de l’office du tourisme n’est pas très arrangeante. Elle ne délivre guère d’information utile, refuse que nous rechargions l’ordinateur et ne veut pas partager la connexion Wifi. Nous cherchons un camping pour passer la nuit et après deux ou trois visites nous optons pour le Kalbarri Tudor Caravan Park. Après déjeuner, nous essayons de nous baigner dans la piscine mais l’eau est très froide et il y a vraiment beaucoup de monde pour une surface d'eau limitée. Nous terminons la journée en regardant le soleil se coucher sur les falaises ocres du bord de mer (qui nous rappellent celles d’Etretat, en moins jolies) après petite marche côtière de 600 mètres de Island Rock à Natural Bridge.

    De retour au camping, nous réussissons à avoir Sylvie sur Messenger pour son anniversaire.

    Dimanche 2 avril

    Nous commençons la journée par aller sur la plage car nous avons lu que des bénévoles viennent nourrir les pélicans australiens, appelés aussi pélicans à lunettes.

    Nous rentrons au camping prendre le petit déjeuner avant de rassembler nos affaires pour pouvoir quitter l’emplacement à 10h, l’heure du check-out. Après avoir fait quelques courses, nous continuons la route vers le sud en prenant soin de nous arrêter à quelques points de vue dont « Eagle Gorge to beach » mais le fait même de faire seulement le kilomètre nécessaire est épuisant à cause de la chaleur. Il faut dire aussi qu’il est midi …

    Un peu plus loin, nous rencontrons un specimen d’une nouvelle espèce de kangourou, grand et gris, qui semble bien mal en point. Il semble très intéressé par ma bouteille quand je lui propose de l’eau mais trop sauvage pour approcher. Ses yeux sont envahis par les mouches. Encore plus loin, nous longeons un grand lac salé (Pink lake) mais la végétation nous empêche de bien le voir. Nous cherchons alors à prendre un peu de hauteur en osant emprunter une route réservée à des travaux. Nous persévérons malgré les trous que nous aurions franchis sans difficultés avec un 4x4 mais nous sommes obligés de rebrousser chemin lorsqu’il y a vraiment trop de sable. Nous avons très peur quand les roues patinent à plusieurs reprises pendant la manœuvre de demi-tour. Nous nous contentons alors de nous approcher du lac par le seul accès bien caché que nous trouvons après plusieurs aller-retours.

    Nous entrons au McDo de Geraldton pour déjeuner mais aussi et surtout pour se connecter. C’est seulement après avoir commandé et payé qu’on nous annonce de que le Wifi ne marche pas. Nous achetons notre dernière bouteille de rosé dans ce pays avant de continuer notre périple. Peu après avoir quitté la ville, nous apercevons nos premières dunes de sable. Elles ne sont pas très impressionnantes mais nous les trouvons déjà très belles. Le soleil qui commence à décliner nous permet d’avoir de jolies couleurs sur les vieilles éoliennes dans les champs.

    Nous longeons des dunes de sable blanc de plus en plus grandes avant de garer notre van pour la nuit à l’emplacement gratuit nommé « Fresch water rest area ». Nous avons des difficultés à choisir le lieu car tous les endroits renseignés par Campermate indiquent qu’ils sont également envahis par les sandflies. L’endroit est pourtant très joli car nous sommes vraiment au bord de l’eau. Pourtant, on ne sort pas du van mais on calfeutre une nouvelle fois le moindre endroit où ces bestioles pourraient se glisser. Il nous reste à regarder deux australiens, manifestement habitués à ce désagrément, qui sortent leur bateau de l’eau après une partie de pêche.

    Lundi 3 avril

    Nous nous réveillons de bonne heure, en bord de mer, avec la sonnerie des vagues qui se fracassent sur les rochers, sous une farandole de mouettes virevoltant dans un ciel bleu. Deux australiens sont déjà en train de mettre leur bateau à l’eau. Assez tôt dans la matinée, nous arrivons à Jurien Bay. Fidèles à notre habitude, nous commençons par nous rendre à l’office du tourisme. Nous y sommes vraiment très bien accueillis par deux filles aussi gentilles l’une que l’autre. Elles nous donnent de nombreux renseignements et nous invitent à nous installer pour profiter de la connexion internet. Je mets l’ordinateur à charger et donne des nouvelles par l’intermédiaire de Facebook, pendant que nos hôtesses font l'objet d'un reportage vidéo.

    Nous prenons la direction de Cervantes car le lac Thetis qui se trouve à un kilomètre abrite une colonie de Stromatolites. L'étude des rares stromatolites se formant encore actuellement ici a montré que leur formation est liée à l'activité de cyanobactéries et de bactéries vivant à leur surface. L'activité photosynthétique des premières, en consommant du CO2, entraîne la précipitation du carbonate de calcium à partir du bicarbonate de calcium en solution dans l'eau. L'atmosphère primitive de notre planète était très riche en dioxyde de carbone. Ce gaz est extrêmement soluble dans l'eau et devait saturer les eaux de pluies et de ruissellement qui érodaient les premiers continents. La richesse en dioxyde de carbone de l'eau a entraîné la dissolution des minéraux riches en calcium et un enrichissement de l'eau en bicarbonate de calcium soluble. C'est dans ce milieu que sont apparus les premiers êtres vivants. Mais les cyanobactéries, en consommant le dioxyde de carbone pour la photosynthèse, vont entraîner progressivement un appauvrissement de l'eau en bicarbonate et en dioxyde de carbone. Le dépôt de carbonate ne devait être, à l'époque, qu'un phénomène localisé. Cependant les cyanobactéries vont progressivement abaisser la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère permettant ainsi au dépôt de carbonate de se maintenir.

    Nous déjeunons sur place. Un couple avec deux enfants en camping-car se gare. L’ainé, Nicolas (qui n’est pas bien grand) refuse de suivre ses parents près du lac. Ses parents jugeant qu’il fait « sa crise d’ado » partent sans lui. Nous le voyons, quelques minutes plus tard, se débrouiller pour escalader une fenêtre pour les suivre sauf qu’il part dans la mauvaise direction. Manu le suit et le guide pour l’aider à retrouver ses parents. Nous roulons encore pour rejoindre les Pinnacles, une curiosité géographique rare : de petits pitons de grès sortent de terre, ou plutôt du sable, un peu partout.

    Nous suivons pendant de longs kilomètres des champs de Grass tree (xanthorrhoea de leur nom scientifique). Ce sont des plantes vivaces qui peuvent avoir un tronc ou pas. Le tronc peut ne pas porter de branches ou en avoir de multiples selon les espèces. Les feuilles, étroites, sont regroupées en couronnes au sommet de la plante. La croissance du tronc est très lente: on estime qu'il faut 100 ans pour qu'il s'allonge de 2,5 centimètres. Les fleurs, blanches ou crème, poussent sur une hampe pouvant atteindre 2 mètres de long. La floraison a lieu au printemps mais pas toutes les années. Au printemps suivant un feu de forêt la plante produit beaucoup plus de fleurs. Les fleurs, riches en nectar, étaient utilisées par les Aborigènes pour être mises dans l'eau et lui donner ainsi un goût agréable. La hampe servait de lance pour attraper les poissons. Cet arbre doit son nom à la résine jaune qu'il produit et qui était utilisée comme colle par les aborigènes.

    Nous fonçons en direction de Lancelin. Nous courons comme des fous et nous arrivons au sommet de l'une des plus grandes dunes juste pour le coucher du soleil, avant de chercher un endroit où dormir suffisamment proche pour que nous puissions retenter l’expérience avec cette fois le soleil en train de se lever. Il y a nettement moins de sandflies quand nous sommes dans les villes. Du coup, nous trouvons un endroit près de la mer où il y a même des douches publiques. Nous l’utilisons chacun à notre tour, l’un éclairant l’autre à la lampe électrique.

    Mardi 4 avril

    Nous avons passé la nuit sur une aire de repos sur Indian Ocean Drive situé à 20 kilomètres de Lancelin. Nous commençons la journée par aller voir le lever du soleil sur les dunes.

    Nous roulons ensuite jusqu’à trouver le parc naturel de Yanchep où nous commençons par prendre le petit déjeuner avant de nous promener entourés d’oiseaux tous plus beaux les uns que les autres : des perruches à colliers peu farouches, des grands cacatoès de baudin (que nous voyons pour la première fois), des mérions superbes (qui portent si bien leur nom), des corbeaux d’Australie (qui diffèrent des autres corbeaux par les longues plumes présentes sur leur gorge qu’ils gonflent quand ils crient), un Kookaburra etc.

    Nous faisons le tour du lac avant de reprendre la route en direction de Perth. Nous commençons par déjeuner dans un parc au nord de la ville avant de repérer les "Op shops" (boutiques d’occasion) qui nous permettraient de trouver une tente de deuxième main qui pourrait nous rendre service en Polynésie où la possibilité de se loger est très chère. Les premières boutiques ne sont guère encourageantes car on nous dit qu’elles ne prennent pas le risque de vendre des tentes, de peur qu’il manque toujours quelque chose. Je trouve un maillot de bain dans l’une d’entre elles mais il est vrai qu’il n’y a jamais de tente. On essaie une quatrième et dernière dans laquelle nous trouvons avec joie une tente, toute neuve, à 10€. J’ai le droit, en prime, d’acheter une couronne de marguerites pour mettre dans les cheveux… Contents, nous enchaînons avec un dernier plein de courses chez Aldi où Manu achète de grandes dalles de mousse, qui servent normalement de tapis de jeux aux enfants, dans l’idée de les reconvertir en matelas pour dormir. Sachant qu’Hervé est à Perth, nous avons convenus de passer la soirée ensemble. Nous le retrouvons à son auberge de backpackers avant d’aller dîner dans un restaurant indien. En plein cœur de la City, le Annalakshmi (chaîne internationale de restaurants végétariens) a un concept intéressant qui repose sur la confiance en la clientèle : l’enseigne encourage les clients à payer un montant qu’ils considèrent comme approprié. Dans la religion hindoue, le plus bel acte qu’on peut faire est de nourrir quelqu’un, soit l’acte du « Anna dhannam ». Ainsi sont les valeurs défendues par le restaurant : rendre accessible le restaurant pour tous. On peut manger à l'intérieur comme en terrasse avec vue sur l'eau, dans une ambiance très conviviale. Nous choisissons d’aller à l’extérieur, avec vue sur la marina, pour déguster notre excellent repas. Nous quittons Hervé (qui prend l’avion tôt demain matin en direction du Cambodge) avant de rejoindre péniblement l’aire de repos de Jarrahdale pourtant située à une trentaine de kilomètres seulement de Perth.

    Mercredi 5 avril

    Après avoir hésité à nous engager dans une longue boucle nous amenant jusqu'à Albany et Esperance, nous renonçons finalement du fait de prévisions météo très décourageantes sur toute la région de la côte sud. Nous décidons de nous contenter d'une boucle moins ambitieuse, moins spectaculaire aussi, mais qui nous permettra de terminer notre étape australienne en douceur. En réalité, cette décision ne sera pas prise d'un seul coup, mais murira doucement pendant nos deux ou trois journées suivant la traversée de Perth, pour finir par s'imposer comme le choix le plus sûr.

    Bien que Penguin Island soit située à seulement 45 minutes au sud de Perth, nous mettons la matinée à y arriver. De gros embouteillages et des travaux nous obligent à bifurquer à de nombreuses reprises. Une fois arrivés, nous devons faire un choix : louer un kayak à la journée (180$), faire la croisière offrant la possibilité de voir des pingouins et des phoques de 45 mns ou celle proposant pingouins, phoques et dauphins de 90 mn, prendre le ferry incluant la certitude de voir des pingouins bleus nourris dans un espace clos ou prendre simplement le ferry. Nous optons pour la dernière solution, la plus économique et la moins encadrée. Après déjeuner, nous embarquons sur le ferry qui nous conduit en quelques minutes sur une petite île. Les touristes se dispersent un peu partout, à la recherche des pingouins bleus. Nous savons que les chances d’en apercevoir sont minimes puisqu’à cette heure-ci, ils sont dans l’eau en train de chasser. Pourtant, en montant un escalier, je reconnais le bruit caractéristique des pingouins bleus que nous avions entendus en Nouvelle-Zélande. Nous laissons passer les touristes et nous nous mettons à leur recherche. Effectivement, il y en a un, bien caché sous une marche, sans doute en train de couver. Ce qui est certain, c’est que nous sommes les deux seuls à l’avoir vu !

    Nous continuons le tour de l’île, sanctuaires des oiseaux, bien gardé par les mouettes. La visite était vendue avec le fait d’avoir la possibilité de voir une colonie de pélicans sauf qu’elle se situe sur une falaise complètement inaccessible…

    Nous reprenons la route jusqu’à arriver au camping gratuit situé à deux kilomètres de Greenbushes que nous trouvons avec un peu de difficulté. Nous sommes accueillis, de nuit, par un comité de kangourous gris qui bondissent dans tous les sens. Il y a beaucoup de monde à cet endroit mais nous réussissons à trouver une place pour notre petit van.

    Jeudi 6 avril

    En quittant le camping, nous regardons les équipements des campeurs. Certains ont des quasi-camions et traînent en plus de grandes remorques, à la manière des 38 tonnes français, mais en mode caravaning… De quoi laisser rêveur le camping cariste du dimanche du vieux continent...

    Nous nous arrêtons à Greenbushes pour monter jusqu’au point de vue donnant sur la mine de lithium. Sur le parking, devant l’école, de jolis oiseaux butinent de splendides fleurs rouges tels des colibris. Nous trouvons de nombreux petits morceaux de lithium sur le sol, mélangé aux gravats.

    A Bridgetown, Manu va demander la possibilité de recharger la batterie de l’appareil photo qui est complètement à plat. Il discute un long moment avec la vieille dame de l’accueil de l’office du tourisme qui lui donne des conseils pour la suite. Comme souvent, ce sont des retraités bénévoles qui exercent ces fonctions. Garés dans la rue principale, nous prenons notre petit déjeuner pendant la charge avant de nous rendre au pied du King Jarrah Tree. Le temps se couvre et il crachine lorsque nous entrons dans le parc de Manjimup, recommandé ce matin par la dame de l'office. Manu fait un tour du très long toboggan et n’en mène pas large à l’arrivée. Sa peur est vite oubliée quand, comme un enfant, il se met au volant des vieilles locomotives exposées dans le parc.

    Après être allés marcher autour des The Four Aces, nous allons déjeuner à Glenoral pool.

    Sur la route de Pemberton, nous arrêtons à Diamond tree, dans lequel Manu grimpe jusqu’à la première passerelle. Le vertige l’empêche de monter jusqu’à la deuxième bien plus haut. Plus loin, Gloucester Tree est également équipé de marches et de passerelles mais nous avons vraiment mauvais temps. Je brave la pluie et je cours me laver au robinet disponible pendant que Manu appelle la dame de Bridgetown car il vient de se rendre compte qu’il a oublié l’adaptateur dans la prise de courant de l’office du tourisme. Elle le met de côté. A l’entrée de Pemberton nous trouvons un parking sur lequel nous nous installons pour dîner avant d’aller passer la nuit sur l’aire de camping gratuite de bord de route nommée Brockman Sawpit.

    Vendredi 7 avril

    Nous tournons longtemps pour trouver le site « Brockman Sawpit ». Nous prenons des routes de cette belle forêt qui deviennent de plus en plus encombrées. Une fois, je descends déplacer un arbre déraciné avant que nous nous retrouvions coincés à cause de branches trop basses. Nous essayons de trouver un moyen de les soulever pour passer jusqu’à ce que, contraints et forcés, nous soyons tout de même obligés de rebrousser chemin ! Nous arrivons enfin devant la fosse découverte en 1972 par des travailleurs forestiers. On pense que cette fosse était probablement utilisée par des condamnés à mort en 1865 pour fournir du bois pour la construction de la propriété et des dépendances des Brockman située à environ 5 km au nord-ouest de la scierie. Les membres de la famille Brockman ont été les premiers colons du district de Pemberton. Brockman aurait pris la terre sur les rives de la rivière Warren au début des années 1860 avant de devenir un des hommes forts du district. Les arbres étaient abattus puis coupés avec des scies transversales exploitées par deux hommes avant d’être taillées. Un debout ou allongé dans la fosse (travaillant souvent dans la boue et l'eau avalant constamment de la sciure de bois) tandis que l’autre à l’extérieur tirait la scie vers le haut, l'alignant pour la prochaine coupe. Les sommets étaient coupés, puis les bûches traînées à destination à cheval. Cette fosse est l'une des mieux conservées de la région. Les bûches et les flambées sciées sont encore visibles. Le bois a bien résisté et on voit encore les marques des scies.

    Nous cherchons ensuite le Dave Evans Bicentennial Tree sur lequel nous montons, jusqu’à la première plateforme seulement, ce qui s'avère déjà suffisamment vertigineux pour nous décourager d'aller plus haut.

    Le site suivant, « The Cascades » ne nous laissera pas un souvenir impérissable. Nous marchons quelques centaines de mètres avant d’arriver à une petite chute d’eau sans grand intérêt. Il faut dire aussi que nous voyons tous ces sites sous le mauvais temps. Nous mettons le cap vers l’ouest car nous avons vu des dunes sur la carte (Yeagerup Sand Dunes). Malheureusement, la route est barrée par un cours d’eau. Nous nous arrêtons déjeuner ici avant de reprendre la route. Toute la journée, nous roulons donc entre les immenses eucalyptus des forêts du sud et parfois, nous longeons des champs entiers d’avocatiers.

    Nous arrivons à Bridgetown vingt minutes avant la fermeture du syndicat d’initiative. L’adaptateur est toujours à sa place, dans la prise murale. On profite du temps qui reste pour recharger l’ordinateur pendant que nous visitons une originale exposition de... puzzles. Nous nous garons un peu plus loin dans la rue principale, près des toilettes car Manu a vérifié qu’il y avait une prise électrique à l’intérieur permettant de recharger complètement nos appareils. Manu en profite pour se raser dans les toilettes et nous dînons ici avant de faire 19 kilomètres pour trouver un endroit où dormir (Kari Gully Picnic Site).

    Samedi 8 avril

    Nous décidons de remonter vers Perth un peu plus tôt que prévu mais plus nous descendions vers le sud, plus le ciel était couvert et les prévisions météorologiques ne sont pas encourageantes. Nous commençons la journée par traverser la petite ville de Pinjarra dans laquelle se tient un vide-grenier. Nous nous arrêtons faire un tour rapide car c’est vraiment tout petit. Il y a un grand buisson de fleurs rouges dans lesquelles les mêmes oiseaux qu’avant-hier se régalent.

    Manu pense qu’en cherchant bien, nous devrions trouver un robinet quelque part dans la ville car il faut vraiment faire le plein. Nous tournons un moment mais tous ceux que nous dénichons n’ont plus de tête (sans doute pour éviter les abus). Nous sommes sauvés par un Australien qui promène son chien qui nous désigne l’unique robinet disponible. Nous visons désormais Busselton. Ici, nous pensions emprunter le plus long ponton en bois de l’hémisphère sud mais le prix qu’on nous annonce est prohibitif. Nous préférons nous tourner vers l’office du tourisme pour demander où nous pourrions voir de beaux oiseaux. Avant de partir, nous faisons un tour à l’exposition proposée qui concerne l’acheminement du bois. Nous nous lavons ici car de nombreuses douches, très propres sont à disposition gratuitement. Suivant les conseils donnés, nous faisons un premier arrêt près de la rivière. Nous voyons deux Kookaburras côte à côte sur une branche et un drôle de canard avec une énorme collerette. Manu s’arrache les cheveux à vouloir le photographier car il n’arrête pas de plonger. Nous essayons de le piéger en prenant de l’avance mais il gagne. Il fait une apnée démentielle et nous mettons du temps à le retrouver… de l’autre côté du pont !

    La prochaine étape consiste à trouver un autre endroit abritant soi-disant une réserve d’oiseaux. Une fois devant, nous rebroussons chemin car nous jugeons qu’il n’y a aucune raison qu’il y ait plus d’oiseaux une fois passés à travers le bac de décontamination. Nous visons le bout de la presqu’île de Yallingup. En chemin, nous assistons aux préparatifs d’un mariage sur la plage de « Eagle bay beach » pendant que nous mangeons notre salade. La trentaine d’invités arrivent petit à petit pour la cérémonie, visiblement vêtus selon un dress code original car toutes les femmes sont en blanc et les hommes en chemises blanches et pantalons beiges. J’attends avec impatience les mariés. Quelle n’est pas ma surprise quand je les vois arriver : entre 60 et 70 ans, la mariée tout de bleu vêtue et son mari en beige! Le temps s’est couvert le temps d’arriver au phare. Nous faisons tout de même une des marches proposées, ce qui nous donne l’occasion de voir un beau début de coucher de soleil.

    Nous retournons sur le parking près du ponton de Busselton pour dîner avant de faire une vingtaine de kilomètres pour passer la nuit à Pine Plantation Picnic area.

    Dimanche 9 avril

    Nous nous dirigeons maintenant vers Bunbury avec comme objectif de trouver des prises pour recharger le matériel. On s’arrête plusieurs fois sans succès. Dans une galerie marchande, il y en a bien une derrière un manège mais ce n’est pas confortable pour que nous patientions ici. Nous continuons notre recherche jusqu’à arriver au Coles du centre-ville de Bunbury. Il y a un bloc sanitaire sur la petite place devant le magasin, muni d'une prise électrique. Nous déjeunons sur un banc en attendant que la charge se fasse. Dès que les batteries sont pleines, nous nous rapprochons de la mer et nous nous installons un petit bureau. Nous regardons le soleil se coucher en compagnie des mouettes. Une fois la nuit tombée, nous avons tellement travaillé qu’il faut de nouveau recharger les batteries. Nous retournons en terrain connu, près du Coles, pour dîner cette fois-ci. Il nous reste un peu de kilomètres à faire avant de nous poser à environ dix kilomètres de Brunswick Junction, à Coalfields Road Rest Area, aire décrite comme étant très bruyante.

    Lundi 10 avril

    Bien que nous ayons passé la nuit tout seuls sur ce parking, nous avons eu effectivement un peu de bruit à cause des camions qui passent très vite sur la route à proximité. Quoique l’endroit ne présente aucun intérêt particulier, nous passons la matinée ici, à faire une lessive et à travailler et à observer les magnifiques Miros embrasés (oiseaux assez commun des parties froides du sud-est de l'Australie) si difficiles à photographier.

    Nous reprenons la route jusqu’à passer devant une poste dans un petit village. Nous nous arrêtons, prenons les renseignements nécessaires et empaquetons tous nos trésors ramassés à travers le pays : plumes, sables, coquillages etc. Nous choisissons le mode "acheminement le plus lent" mais malgré tout, l’envoi nous coûte 80€…

    Un peu plus tard, nous faisons demi-tour après être passés devant un panneau qui ne peut que retenir notre attention, indiquant un risque de traversée de tortues à longs cous (ou tortue serpentine). Nous les cherchons dans les différents cours d’eau du bord de route mais ne voyons pas le cou d’une seule de ces tortues semi-aquatiques d'eau douce, espèce endémique d’Australie… dommage !

    Plus loin, nous nous arrêtons devant un champ de vignes dans lequel cohabitent chèvres, moutons et lamas. De nouveau confrontés à un problème de charge, c’est devant des toilettes publiques que nous passons un moment. Après avoir repéré l’emplacement gratuit où nous pourrons passer la nuit à la sortie du village de Pinjarra (près de la gare), nous retournons en centre-ville pour profiter de l'éclairage public pendant le dîner.

    Mardi 11 avril

    Branle-bas de combat ce matin puisqu’il faut ranger toutes nos affaires avant de rendre le van. Nous réalisons alors qu’il va être difficile de faire rentrer le matériel de camping dans nos contenants. La seule chose qui pourrait nous tirer d’affaire est de trouver une boutique de matériels d’occasion dans le village. Or il s'avère qu'il y en a même deux ! Dans la deuxième, nous achetons une valise toute neuve pour 7€ et nous nous empressons d’aller faire des essais. Armé du couteau de cuisine, Manu coupe en deux les dalles (ainsi que tout ce qui dépasse) qui serviront de matelas. Il suffit alors de glisser la tente à côté dans la valise et nous voilà prêts à affronter les derniers kilomètres.

    Avant de partir, nous retournons à la "op shop" acheter des trousses de toilettes (celles achetées en Chine avant de partir rendent l’âme les unes après les autres). J’en profite pour donner deux ou trois choses qui ne nous serviront plus : les boîtes de plastique alimentaire, quelques cordons électroniques...

    Nous entrons gratuitement (toujours grâce à notre pass) en fin de matinée dans le parc de Serpentine. Nous commençons par déjeuner. Il y a énormément de monde car ce sont les vacances scolaires. Les kangourous sont manifestement habitués à ce que les gens mangent ici et n’hésitent pas à s’approcher. Je sais qu’ils adorent les pommes. Alors quand un se dirige vers notre table, je fais des gestes très doux, lui offre de petits morceaux de pomme et je réussis à frotter mon nez contre le sien. Pas un vrai bisou mais au moins un bisou esquimau ! Avant de partir, nous marchons jusqu’à la piscine naturelle. Sur le chemin du retour, Manu aperçoit un varan qui se déplace dans les feuilles sèches.

    A cause de l’accueil que nous a réservé Apollo lors de notre arrivée, Manu appréhende le retour du van. L’agence est dans la zone de l’aéroport mais tout de même assez loin à pied. Nous avons appelé l'agence mais elle n’offre pas de transport. Le prix de la course de taxi nous amène à envisager de nous débrouiller seuls. Par conséquent, Manu me laisse à l’aéroport avec les bagages et va rendre le véhicule tout seul. Déchargé des sacs, il sera plus rapide à revenir à pied. Après 14000 kilomètres, contre toute attente, la séparation se fait sans difficultés. L'accueil est réalisé par un jeune français de originaire de Caen, en poste depuis quelques jours seulement, ça crée des liens …

    Manu met quand même plus d’une heure à faire l’aller-retour mais l’aéroport de Perth est vraiment très bien. Confortablement allongée sur une banquette, j’ai pu appeler maman et les filles grâce à une super connexion wifi. Ce sera notre dernière communication en provenance d'Australie.  


    Carnet de Manu

    Ecrit début avril 2017

    L'Australie avait initialement été retenue dans la short list des pays à visiter lors de notre tour du monde pour des raisons relevant essentiellement du besoin de constraste. Il s'agissait en effet, à proximité des antipodes et au milieu de la course du voyage, de l'un des seuls pays industriellement développés, de culture occidentale au contraire de ses voisins asiatiques, qui permettait du surcroît de changer de mode de voyage en envisageant un road-trip plus pur qu'en Nouvelle-Zélande du fait de la longueur des distances parcourues et du caractère semi-désertique des paysages traversés. Je n'en attendais rien de bien spécifique au-delà de cette qualité structurelle, si ce n'est la rencontre programmée avec les requins-baleines de Ningaloo Reef pour l'anniversaire d'Isabelle (rencontre qui, finalement, ne s'est pas produite). Pour le reste, j'avais défini un itinéraire qui se contentait d'éviter certaines des zones les plus touristiques du pays (Sydney, la grande barrière de corail), et qui serpentait dans l'Outback, réputé représenter en quelque sorte la quintessence du pays dans sa dimension naturelle et sauvage. J'avais quelques doutes concernant le caractère plus ou moins spectaculaire des sites traversés, ayant d'une part compris que les commentaires des Australiens sur Tripadvisor ne sont absolument pas fiables (car tout y est réputé "amazing", "pristine", "scenic", sans aucune espèce de discrimination), et d'autre part perçu à plusieurs reprises, quoique souvent sous un forme euphémisée, une sorte de déception légère de la part de certains voyageurs expérimentés ayant eu l'occasion de traverser le pays avant nous. J'étais donc à la fois assez peu spécifique et assez prudent dans mes attentes, et si j'avais dû miser un peu intuitivement sur de possibles bonnes surprises à venir avant notre atterrissage à Melbourne, j'aurais sans doute opté pour un ou deux canyons du Centre, et une ou deux plongées sur la côte Ouest. Je me serais donc bien trompé car au final, ce qui me permet aujourd'hui de classer l'Australie parmi les pays préférés de notre parcours n'a rien à voir: c'est une combinaison inattendue de longues chevauchées sur les (auto-)routes traversant le désert, et de temps passé à l'affût des oiseaux et de la petite faune, nous ayant offert certaines de nos plus belles surprises photographiques de cette année autour du monde. Les deux n'étaient pas incompatibles d'ailleurs, tant il est arrivé fréquemment que nous nous arrêtions, parfois assez longtemps, sur le bord de la route ou même directement sur celle-ci en cas de trafic nul, pour prendre le temps de contempler une buse, un perroquet ou une chouette.

    Il faut dire aussi qu'au contraire de ce qui se passait régulièrement lors de la plupart de nos voyages précédents (je parle ici plutôt des voyages des années précédentes, et non des destinations ayant précédé l'Australie dans notre tour du monde), nous sommes progressivement parvenus à nous désaliéner en partie de la tyrannie des guides touristiques. Certes, pour chaque pays traversé ou presque, nous disposons d'une copie (illégale) d'une version pdf du Lonely Planet, mais nous ne la consultons qu'occasionnellement, pour obtenir des détails ponctuels sur une région ou une ville précise. Nous ne lisons presque rien des commentaires généraux sur le pays, son histoire ou sa culture, ce qui nous prive sans doute de clés d'interprétation parfois utiles, mais nous permet en contrepartie de tout découvrir nous-mêmes sans média interposé, par nos observations ou par nos discussions. Par exemple, nous ignorions tout de la profusion des perroquets dans le pays avant de les voir virevolter si souvent autour de nous, et c'est un voyageur rencontré aux Philippines, Kaspar, (et non le Lonely Planet) qui nous a le premier alertés sur le désagrément permanent des mouches dans l'Outback.

    L'une des grosses incertitudes de notre parcours tenait à la vitesse moyenne que nous pouvions espérer sur un parcours (justement) estimé avant le départ à environ 14000 kilomètres. Dans l'incertitude face à cette inconnue, nous avons de surcroît été oppressés par une première journée catastrophique à Melbourne: arrivés en fin de journée, nous avons dû batailler pour trouver une solution pas trop coûteuse pour passer une nuit en ville, puis revenir au dépôt de l'agence d'Apollo, desservi par aucun transport en commun. A la prise du véhicule, nous nous sommes faits culpabiliser à mort de ne pas prendre de surassurance par une salope de commerciale qui nous a gâché le début du voyage au point de me rendre malade toute la journée et la nuit suivante. Nous avons dans ces conditions décidé de ne pas prendre de risque et d'écourter un possible début constitué d'une boucle nous emmenant à Wilsons Promontory, pour nous lancer au plus vite en direction du Centre, par la Great Ocean Road. A partir de là, tout s'est bien déroulé, et les autoroutes d'Australie se sont montrées si faciles à parcourir que nous avons même accru notre avance initiale, la portant à quatre jours avant d'arriver à Katherine. Cette rapidité relative nous a incités à tenter notre chance vers Kakadu, ce qui était une erreur, non pas que le temps humide ait rendu la traversée du parc impossible, mais tout simplement parce que celui-ci n'a pas du tout tenu ses promesses en matière de faune: aucun crocodile au rendez-vous, et bien moins de petite faune que dans le désert. Heureusement, l'avance prise en cours de route n'a pas été entièrement consommée dans cette affaire, et la plus grande partie a pu être épargnée pour Broome et surtout Cape Range, autrement dit pour les plages ensoleillées, les kangourous et les tortues.

    Nous sommes malgré tout arrivés un peu trop vite à Perth, et la demière de nos six semaines en Australie a été passée à tournicoter sans but précis au sud de cette ville tentaculaire, sans autre centre d'intérêt défini que les (très majestueuses) forêts du sud, mémoires vivantes de l'histoire pluri-séculaire de l'exploitation locale du bois. Refroidis par des prévisions météorologiques pessimistes concernant la côte d'Albany à Esperance, nous avons préféré éviter de nous relancer dans une boucle trop longue qui risquait de nous amener à devoir nous hâter lors de notre retour vers l'aéroport. Au moins cette étape vaporeuse, tirant un peu en longueur et nous amenant à adopter une fin d'itinéraire un peu erratique, nous aura-t-elle permis de finir notre chevauchée australienne en douceur, et de nous préparer tranquillement au changement radical qui se profilait avec la Polynésie.

    Mon bilan de l'Australie est le suivant: le pays est immense mais finalement pas si varié que cela, à l'exception peut-être du Nord que nous n'avons qu'effleuré: il y a les grandes villes côtières, extrêmement étendues, au climat relativement tempéré (quoique celui de Perth soit classé comme méditerranéen, et que l'eau de la mer du côté de Melbourne soit particulièrement froide tout au lond de l'année); les zones agricoles des hinterlands du Sud; et les zones de bush désertique parsemées de quelques amas rocheux et canyons peu profonds. Les villes, quoique plates et dotées de tous les services souhaitables (notamment de grands parcs bordés d'arbres magnifiques) ne m'ont pas semblé agréables à vivre, par leur absence de caractère et la présence hostile de nombreuses autoroutes urbaines. Le bush constitue quant à lui un milieu très difficile, non pas tant à cause de la sécheresse (il y pleut tout de même un peu, en gros le tiers de ce qu'il pleut à Paris, et les points d'eau existent) qu'à cause de la chaleur et des mouches, obligeant à d'incessantes "austalian waves" (balaiements de la main devant le visage). Les petites villes/villages agricoles ou minières constituent de meilleures options de vie, mais adaptées presque exclusivement à une existence contemplative et sans histoire; une sorte de vie de retraités. En résumé, émigrer en Australie ne m'a pas paru une très bonne idée, sauf peut-être pour échapper un peu lâchement aux guerres civiles qui menacent l'Europe.

    Sur le plan social, sans avoir de preuve bien nette tant nos contacts avec les Australiens ont été, au fond, superficiels, j'ai développé à la longue l'intuition légère que la culture du pays, si elle existe bel et bien, est particulièrement fruste: il ne semble exister aucune forme d'art (littérature, architecture, musique) spécifiquement australienne (à l'exception, bien sûr, de l'art aborigène, mais qui n'est célébré qu'au titre du folklore; et de l'existence de quelques groupes de rock ou quelques acteurs à la remorque de la locomotive américaine), et les préoccupations locales semblent tourner exclusivement autour de questions de vie pratique et de loisirs (sport, nautisme, camping, 4x4 dans l'Outback): comme en Nouvelle-Zélande, nous sommes en présence d'un peuple pratiquement sans histoire (et d'ailleurs, ce n'est peut-être pas sans lien, sans guerre territoriale propre), enrichi par une situation économique favorable doublée d'un isolement géographique le protégeant relativement des nuisances migratoires; un peuple donc qui ne problématise pas son existence ni son aisance relative, qui se contente de la vivre sans forcément la mériter si on la rapporte à sa contribution à l'humanité. L'Australie est, comme l'Amérique, un sous-produit de la civilisation européenne, et singulièrement de la civilisation anglaise, qui n'a pas réellement pris son indépendance et semble stagner dans une sorte de permanence sans réelle consistance. Bien sûr les Australiens sont sympathiques, et de surcroît ils ne demandent rien à personne du fait de leur sens de l'indépendance et de l'organisation, pas plus qu'ils ne donnent de leçons à qui que ce soit: c'est déjà quelque chose. Mais peut-on, par exemple, souhaiter devenir Australien lorsqu'on vient du Vieux Continent, et qu'on en a en quelque sorte reçu l'héritage et la charge? Je ne le crois pas. Même si les Australiens sont plus riches, mieux organisés, et à juste raison plus rétifs que nous autres Européens aux absurdités du politiquement correct, ils me paraissent dans une certaine mesure vides de contenu, à mille lieux de ce que serait un honnête homme dans l'acception classique du terme. J'ai lu sur Wikipedia que les Australiens étaient brutaux (enfin, pour être exacts, tolérants à la violence) et égalitaires, comme le montre par exemple leur intérêt pour le football australien (sorte de mélange de rugby et de boxe, soit l'un des seuls sports au monde considéré comme sport de combat collectif) ou les "bar fights": cela me semble vrai. Cela me semble aussi compatible avec une origine familiale se perdant, pour les plus anciens d'entre eux, dans le milieu pénitentiaire des bagnards et des gardiens de prison (les premières colonies australiennes ont été des colonies de forçats). Pour mieux comprendre cet aspect de la mentalité australienne, il faudrait approfondir la notion de "mateship", l'une des seules véritablement spécifiques au pays: il s'agit d'une forme de camaraderie virile, proche de celle qu'on connaît dans les cours de récréation d'écoles de garçons, les équipes de sports collectifs, ou encore à l'armée: un mélange de discipline, de sens de l'entraide et d'égalitarisme, agréable par son côté très proto-humain (on songe aussi à la vie de clan au temps des chasseurs-cueilleurs), mais aussi opposé à toute forme de légèreté, de raffinement ou même simplement de style (aussi peut-on imaginer, de gauche à droite, un Australien proudhonien ou libéral; mais sans doute pas un Australien bobo ou aristocrate). J'ai d'ailleurs un peu de mal à voir en quoi la notion pourrait s'appliquer à la part féminine de la population australienne, et à bien y réfléchir j'imagine mal ce qui pourrait caractériser non pas l'Australien-type, mais l'Australienne-type (au-delà du cliché para-californien de la surfeuse blonde en bikini, souvent plus jolie vue de loin que de près; plus véritablement sportive que Bimbo, donc pas très sexuelle, en fait). En ce sens, les Australiens seraient des sortes de cow-boys du sud, mais moins individualistes que leurs cousins américains, moins soucieux qu'eux de devenir des "self made men", et plus portés vers la dimension clanique de la camaraderie de sport ou de boisson. Cela ne saurait cependant suffire, je le crains, à les prémunir à terme des ravages du libéralisme, qui les enrichit aujourd'hui du fait de la profusion des matières premières de leur île continent (or, cuivre, fer, lithium, bois), mais qui pourrait les appauvrir demain pouir la même raison de leur dépendance à une économie de la ressource naturelle.

    Nous avons rencontré par hasard à Port Hedland un jeune ingénieur australien qui faisait sa pause sandwich face à l'horizon industriel composé de vraquiers et de tas de minerais. Il nous a parlé de ces pilotes de navire qui gagnent entre 700000 et 900000 dollars par an, soit dix à vingt fois le salaire d'un cadre supérieur français, pour conduire les bateaux chargés de fer du port vers la haute mer. Il a insisté sur la raison économique de leur salaire: le risque pour l'entreprise a une valeur plus élevée encore (si le navire se met en travers, plusieurs millions sont en jeu à chaque jour qui passe) et m'a garanti que les pilotes étaient excellents ("very smart") sans sembler éprouver regret, jalousie ou incompréhension. Puis il a chaussé des Ray Ban et est reparti au volant de sa voiture de sport munie de quatre gros pots d'échappement. Tout était dit...

    Il faudrait, pour être complet, mentionner le cas des Aborigènes, qui constituent une fraction distincte de la population australienne, certes minoritaire mais apparemment rétive à toute forme d'assimilation ou de métissage (à quelques exceptions près, leur avenir consiste probablement à disparaître purement et simplement dans les générations qui viennent). Ce n'est pas chose facile, tant on pourrait hésiter entre une fausse extase face à la permanence d'une forme de vie humaine quasi-préhistorique, le misérabilisme humanitaire déplorant leur addiction à l'alcool et aux aides sociales, et un intérêt un peu artificiel pour leur vie spirituelle réputée, sans possibilité de preuve évidemment, d'une richesse et d'une profondeur inversement proportionnelles à la pauvreté de leur vie matérielle, et saluée à grand renfort de subventions par les autorités culturelles australiennes bienpensantes. Concrètement, on voit les Aborigènes déambuler dans les petites villes du Centre, du Nord et du Nord-Ouest, pour ce qui nous a concernés en gros de Coober Pedy à Broome, avec des concentrations plus élevées vers Alice Springs ou Katherine. Ils font penser, par leur comportement, à des personnages de "Walking Dead" qui seraient filmés en négatif. Souvent en petits groupes de deux à six personnes, ils errent les bras ballants (ils portent rarement des sacs ou des paniers), ou bien restent simplement immobiles, assis ou couchés, sur l'herbe des parcs ou directement sur le bitume. Ils ont une apparence indiscutablement simiesque (front fuyant, nez très épaté), et certaines femmes portent de véritables barbes. Ils se déplacent parfois dans d'anciennes berlines surbaissées abandonnées depuis des années par les Australiens blancs au profit des 4x4. Ce qui frappe en tout lieu est leur extrême désoeuvrement: on les voit parfois plusieurs minutes totalement inertes à un endroit donné, puis ils se déplacent de quelques dizaines de mètres pour recommencer à ne rien faire. L'oisiveté absolue semble constituer leur horizon quotidien, à court et à long terme, c'est très impressionnant car on se rapproche par certains côtés de ces formes de méditation professées par le bouddhisme. Ils semblent exclus (ou s'auto-exclure) de toute activité productive et marchande, et seuls quelques métis tiennent à l'occasion des emplois en général subalternes, alors que Blancs et Asiatiques semblent assurer l'ensemble des tâches nécessaires à la vie locale, y compris au simple niveau des employés de voirie ou de petit commerce. Ils n'ont pas vis-à-vis des Blancs d'attitude ouvertement hostile, mais ils évitent souvent le contact, et on ne peut exclure chez certains un complexe d'infériorité qui pourrait passer pour de la timidité. Parfois, ils s'aventurent en milieu occidental, dans des buildings construits par ceux qui les colonisèrent il y a plusieurs générations, pour se faire soigner à l'hôpital ou toucher les aides sociales dont ils semblent entièrement dépendants sur le plan économique. Plus souvent, ils vont s'approvisionner, toujours en petites quantités, en produits alimentaires et en Pepsi-Cola à la station-service du quartier, où ils sont assez mal vus car certains chapardent, pas très adroitement d'ailleurs: les gérants de magasin, souvent asiatiques, ne peuvent cependant pas leur dire grand chose pour éviter de se mettre à dos l'ensemble de la communauté aborigène, qui constitue une part non négligeable de leur clientèle, ou la fraction bienpensante de la clientèle blanche, consciente du quasi-ethnocide qui se trouve au fondement de son aisance matérielle. Et il est vrai qu'il y a là quelque chose de douloureux et d'insoluble: l'évidence que, dans ce cas particulier au moins, ni la coexistence ni le métissage ne semblent envisageables sans qu'ils ne débouchent à terme sur une destruction (ou au moins une dévitalisation) quasi-complète d'une des populations en présence. Contrairement au cas presque idéal de la Nouvelle-Zélande, où la conquête des Européens s'est faite pratiquement sans affrontement, la colonisation de l'Australie a connu des épisodes d'une guerre (peu visible car très asymétrique) qui, juridiquement, n'est toujours pas close, les Aborigènes n'ayant jamais signé d'armistice (ce qui, pour une civilisation ignorant l'écriture, la cléricature et le Droit, n'aurait de toute manière pas eu de sens). Certes, avant la colonisation, les Aborigènes vivaient à l'âge de pierre (et encore: leurs outils et leurs habitations, extrêmement primitifs, étaient plutôt en bois). Mais enfin, que l'on adopte une vision christiano-droitdelhommiste égalitaire mettant toutes les cultures sur un pied d'égalité, ou qu'au contraire on opte pour une approche ethno- et culturo-différencialiste insistant sur les différences irréductibles entre civilisations, l'on doit se désoler d'une situation où les Aborigènes d'aujourd'hui vivent un peu comme des chimpanzés dans un zoo: sous surveillance constante (même bienveillante), totalement dépendants de leurs gardiens pour leur survie, et irrémédiablement dominés par eux dans l'ordre de la maîtrise et de la représentation du monde.

    Les "J'aime/J'aime pas" de Manu en Australie

    J'ai aimé:

  • Le sentiment de liberté sur les longues autoroutes presque vides du Centre et de l'Ouest
  • Notre vitesse moyenne pendant les grandes traversées du désert: il est facile de rouler 600 à 700 kilomètres dans la journée si on prend les repas suffisamment vite, car on dort bien dans le van, on se réveille donc assez tôt (ce qui permet de prendre la route avant le petit déjeuner), les limites de vitesse sont élevées (entre 110 et 130 sur les "highways"), le trafic presque nul, et les perturbations (travaux, road trains) sans conséquences
  • Les roadhouses souvent bien décorées et bien achalandées, étonnantes oasis de repos perdues au centre d'un milieu particulièrement hostile
  • L'absence de contrôle de police ayant permis d'éviter tout problème lié à l'absence de permis international
  • Les road trains, finalement plutôt plus faciles à gérer sur la route que les camions en Nouvelle-Zélande
  • La qualité des campings, toujours bien tenus et fonctionnels, quoique un peu chers
  • La très bonne organisation générale des services publics (toilettes toujours propres, souvent munies de prises de courant bien utiles pour recharger les appareils électroniques, routes bien entretenues, chemins de randonnée nombreux et bien balisés, information précise et pertinente)
  • La taille, la variété et le comportement très familier des poissons de Ningaloo, notamment des perroquets, permettant de bien les observer de près +
  • Les perroquets et cacatoès, partout +++
  • Les oiseaux en général, souvent à la fois beaux et faciles à photographier ++
  • Les lézards, nombreux, peu farouches, et très beaux vus de près +++
  • La semaine passée à Cape Range entre la piscine de l'excellent camping d'Exmouth (face au Visitors Center), les kangourous que nous avons tenté d'apprivoiser jour après jour à l'unique point d'eau du parc, et les bébés tortues que nous avos eu plusieurs fois la chance de trouver sur les plages désertes en pleine nuit +++
  • Le rocher d'Uhuru, pourtant très touristique, qui a tenu toutes ses promesses photogéniques ++
  • Les forêts de grands arbres (notamment les Karris) autour de Pemberton +
  • La jolie petite ville touristique de Halls Gap au coeur des Grampians, excellente base pour voir la vie sauvage (kangourous, émeus, biches, cacatoes, etc) +
  • J'ai moins aimé:

  • Les mouches, taons et autres sandflies, une réelle nuisance dans la quasi-totalité du Centre, du Nord et de l'Ouest
  • La difficulté à trouver des bonnes connexions wifi de qualité, voire simplement un réseau téléphonique permettant de se connecter à internet en dehors du centre des grandes villes. Ajouté au prix assez élevé des communications et à l'absence d'un réseau de hotspots comparable à celui de Spark en Nouvelle-Zélande, ce handicap a fait de l'Australie l'un des seuls pays où il ne nous a pas été possible de télécharger nos photographies sur Google Photos.
  • La côte australienne en général: des plages grandes et souvent désertes certes, mais aussi beaucoup de vagues ou de clapot, souvent des algues arrachées jonchant le sable, des alignements de rochers affleurant, une eau rarement limpide, des villages de petites villas cossues, mais sans charme particulier et répétés à l'infini, avec leurs barbecues et leur vedettes à gros moteur hors-bord, bref on est loin de la carte postale de la plage tropicale idéale -
  • Le snorkeling à Ningaloo, réduit à quelques sites peu nombreux, à la visibilité limitée, et difficiles à apprécier du fait du courant et des méduses -
  • Kakadu, nul hors-saison, donc pas du tout à la hauteur des commentaires dithyrambiques trouvés sur le net --
  • J'ai remarqué:

  • La véritable obsession des Australiens pour la pêche, le camping et le barbecue
  • Le sens local très développé pour la sécurité: tout est surdimensionné, les conseils de prudence sont fréquents, les chemins de randonnée sont exagérément aménagés, etc.
  • La faible quantité de gays. Le pays (ou en tout cas l'Outback) semble hermétique à toute forme de métrosexualité.
  • Le surdimensionnement du quadriceps des Australiennes: on voit souvent des filles blondes à queue de cheval assez mignonnes au-dessus de la ceinture et au-dessous des genoux, et entre les deux deux cuisses évoquant plus le rugbyman du Sud-Ouest, la lanceuse de poids Bélarus, ou Serena Williams en négatif, que la danseuse classique ou la pin-up des années cinquante.
  • La situation sociale désastreuse des Aborigènes, qui évoquent irrésistiblement des tribus d'hommes préhistoriques sortis des premiers albums de Rahan, complètement déplacés au milieu de l'organisation anglo-saxonne des rangers de l'Outback.
  • L'infrastructure touristique qui permet, contrairement à la croyance habituelle, de voyager à bon marché dans le pays, à la condition exclusive de bien acheter/revendre son véhicule, et de prévoir un road trip avec des escales courtes pour ménager sa consommation d'essence. Dans cette hypothèse, on peut s'appuyer sur un réseau complet de douches/toilettes publiques et d'aires de repos bien aménagées pour le camping sauvage (non limitées aux véhicules self-contained au contraire de la Nouvelle-Zélande) et ne payer que les dépenses courantes d'alimentation qu'on aurait aussi chez soi. Dans notre cas, notre budget de 80 euros par personne et par jour était aux trois quarts constitué du prix de la location du véhicule et de l'essence consommée au cours d'un road-trip particulièrement long. Nous aurions atteint un résultat tout à fait différent en mettant en oeuvre les préconisations indiquées plus haut, mais il aurait pour cela fallu rester plus longtemps, se fixer des objectifs de parcours plus modestes, et se contenter de conditions de confort plus rudimentaires.
  • Si c'était à refaire:

  • Je programmerais de rester quelques jours de moins
  • J'irais bel et bien à Wilsons Promontory voir les wombats
  • Je ne perdrais pas de temps à Kakadu à cette saison
  • Je ne garderais que deux ou trois jours de sécurité à l'arrivée à Perth
  • J'enlèverais au moins une étape de canyons, par exemple McDonnells ou Karijini
  • Je passerais plus de temps à l'affût pour photographier la petite faune lorsque l'occasion se présente