Carnet du sud Sulawesi

Pour consulter les albums photos complets avec une meilleure définition, les adresses sont les suivantes:

  • Album de Rantepao
  • Album de Tentena



  • Carnet d'Isabelle

    Mercredi 8 septembre

    A notre arrivée à Makassar, nous nous faisons bien évidemment accoster par un chauffeur de taxi qui nous propose de nous emmener à la gare routière pour cinq fois le prix que nous allons payer en réalité. Nous réussissons à l’éconduire avant de nous engouffrer dans une agence de transport susceptible de vendre des billets de car. Après avoir trouvé l’unique personne qui parle anglais, nous prenons un taxi jusqu’au centre de Makassar car nous ne trouverons les billets qu’à la gare routière. Du centre, nous montons dans une mikrolet (un tout petit minibus dans lequel on tient quand même à une dizaine !) Nous sommes à la gare routière pour l’heure du déjeuner et il nous faut attendre 21h00 avant de partir. Nous déjeunons et patientons …

    Avant de partir, nous profitons de toilettes payantes pour prendre un Mandi (il y a une espèce de baignoire près des toilettes dans laquelle on récupère de l’eau avec un récipient pour se mouiller puis pour se rincer).

    Vendredi 9 septembre

    Nous passons une relative bonne nuit dans un bus VIP très confortable, dont les couchettes s'inclinent presque totalement, et dans lequel chaque passager est muni d'un gros oreiller et d'une couverture douillette. Plusieurs compagnies concurrentes offrent ce genre de prestation, et bizarrement, tous les véhicules partent à la même heure... Partis à 21h00, nous arrivons à Rantepao très tôt (7h00). Les guides sont déjà aux aguets, à l’arrivée. L’un d’entre eux nous accoste et nous accompagne jusqu’à la Guesthouse que nous visons, Riana, à laquelle il affirme être lié. On nous attribue une chambre, nous prenons un petit déjeuner, décidons de faire affaire avec le fameux guide pour la journée de demain, louons un scooter (directement à la gusthouse, sans formalités et pour un prix raisonnable, environ 5 euros par jour) et partons sans perdre de temps au Nord du pays Toraja. Quelle belle journée : nous empruntons de jolies routes le long des rizières, découvrons les extraordinaires maisons traditionnelles: leur toit est incurvé des deux côtés  (selon les anthropologues, cela pourrait représenter des cornes de buffles ou la forme des bateaux utilisés par les premiers Torajas pour arriver en Sulawesi) et les murs richement décorés de sculptures et peintures représentant la fertilité et la prospérité. Les Torajas utilisent quatre couleurs qui s’opposent : le blanc qui représente le monde des dieux, opposé au rouge (le monde des hommes) ; le noir qui représente la tristesse, opposé au jaune, la joie.

    Les maisons des familles nobles sont ornées de têtes de buffles (une tête représente 15 animaux sacrifiés… certaines maisons en comptent jusqu’à une vingtaine par poteau !)

    La montée vers Batutumanga s’avère compliquée : nous empruntons une piste très difficile. On nous avait déconseillé de la prendre mais nous nous retrouvons dessus malgré nous et je suis obligée de descendre du scooter à de nombreuses reprises. Sur cette « route », un homme nous interpelle et nous encourage à aller visiter une « baby grave ». Etrange croyance au pays Toraja, ou les enfants décédés qui n'ont pas encore de dents (à peu près jusqu'à 7 mois), sont enfermés dans un arbre. L'âme de l'enfant s'élève alors avec l'arbre.

    Plus loin, nous croiserons nos premiers tau tau. Devant ces tombeaux, se trouvent des balcons avec des effigies mortuaires qui bénissent les descendants du défunt en tendant la main en avant. Les tau tau, encore appelés les Morts au balcon, sont sculptés à l'effigie du défunt. Ils sont réservés aux familles nobles.

    Nous nous arrêtons pour déjeuner dans un restaurant qui nous propose une belle carte mais qui, finalement, ne peux servir que du Nasi Goreng, le plat de base indonésien constitué de riz et de légumes, et une omelette. Un couple de français passant par là nous indique un autre restaurant un peu plus loin. Nous reprenons notre scooter pour y faire une halte et compléter notre repas. Le riz, le café et le cacao sèchent devant les maisons, d’énormes papillons nous narguent toute la journée. Nous faisons quelques photos dans les rizières avec les belles couleurs de fin de journée. Nous terminons notre journée au Rimiko, un restaurant petit mais très animé du quartier de notre guesthouse, où nous avons passé un très bon moment, notre dîner étant accompagné de guides à la guitare, entonnant des chants indonésiens, anglais et même français.

    Samedi 10 septembre

    Nous partons à 9h00 pour une journée riche en découvertes culturelles. Nous commençons par le marché aux bestiaux de Bolu (banlieue de Rantepao) qui a lieu tous les 6 jours. Les habitants des villages de montagne descendent vendre et acheter des cochons et des buffles. Le buffle est un animal sacré pour les Torajas. Il est sacrifié en nombre important lors des cérémonies d’enterrement (la moyenne est d’une vingtaine d’animaux par cérémonie); en effet, les Torajas croient que les buffles sacrifiés serviront de monture aux défunt pour atteindre l’autre monde (Puyaou « paradis toraja »). Un buffle ordinaire coûte au minimum 30 millions de roupies (2 000 €) et un buffle extraordinaire (rose tâcheté à grosse encolure) peut monter à 1 milliard de roupies (65 000 €). Cela représente une fortune pour les familles qui consacrent plus de la moitié de leur salaire à la préparation des cérémonies funéraires. Une fois acheté, le buffle est chouchouté jusqu’à son sacrifice, il ne travaille pas, est nourri avec la meilleure herbe (qui coûte aussi très cher à son propriétaire car les pâturages sont rares), lavé, bichonné, promené…

    Le marché aux cochons, sous un immense hangar, est assez surréaliste. Les cochons noirs et rose sont typiquement toraja et beaucoup vont finir en sacrifice à des funérailles torajas. Les bêtes sont allongées et fermement attachées à leur support en bambou. Les petits cochonnets sont ficelés dans des sacs et transportés en bandoulière par les heureux propriétaires. Ce marché est très bruyant : ça hurle, ça couine et ça discute ferme.

    Nous continuons avec les coqs entraînés pour les combats, puis avec les magnifiques couleurs des fruits et légumes.

    Nous prenons la route pour Londa où nous allons assister au dernier jour d’une cérémonie funéraire d’un frère (85 ans) et une sœur (80 ans), personnages importants du village. Notre guide Nicolas nous explique les croyances et rituels liés à la mort en pays Toraja. Quand une personne décède, elle est aussitôt embaumée en vue d’être conservée dans la maison jusqu’à la cérémonie funéraire. Pour la famille, son esprit occupe encore les lieux et le mort est considéré comme malade : on lui parle, on continue à lui faire à manger, on lui rend visite… A l’annonce de la mort d’une personne, sa famille se réunit une première fois pour décider de la date de la cérémonie. En effet, il faut laisser le temps aux familles de réunir le nombre de buffles nécessaire… certains morts sont ainsi conservés plusieurs années dans la maison en leur injectant du formol régulièrement. Les « nôtres » étaient « malades » depuis deux ans déjà.

    Une cérémonie dure plusieurs jours. Le premier jour, on égorge des cochons à tour de bras. La famille et les voisins arrivent peu à peu, la plupart amène un cochon ou un buffle. Ce n’est pas un cadeau gratuit… en pays Toraja, il existe un système de dettes : si une personne amène un animal en « cadeau » lors d’une cérémonie, la famille devra lui rendre la pareille lors d’autres funérailles sous peine d’être bannie. Des fonctionnaires de l’Etat tiennent le compte des dettes… et des animaux sacrifiés : en effet, la Région touche une taxe sur chaque sacrifice… sa principale ressource, on comprend que l’Etat encourage le maintien des traditions ! Ce jour là aussi, on boit du café avec le mort, ses proches et ses invités et on déguste des gâteaux. Un présentateur égrène dans son micro continuellement les noms des invités qui arrivent ainsi que les offrandes qu’ils apportent. Le deuxième jour (c’est le plus sanglant) est consacré au sacrifice de buffles qui sont égorgés un par un. Nous, nous arrivons pour la mise en tombeau. Nous nous installons sous une maison traditionnelle, parmi la centaine d’invités pour assister à la cérémonie. On a construit aussi des maisons provisoires en bambou qui servent aux invités à observer les sacrifices de buffles et cochons, se reposer, se protéger du soleil ou de la pluie.

    Les petits-enfants des défunts chantent deux chants, plusieurs éloges funéraires sont prononcés par les proches pendant que buffles et cochons mijotent.

    On nous sert alors un copieux repas avec ses viandes et du riz que nous devons manger avec les mains sur des feuilles de papier.

    A la fin du repas, Les femmes se jettent sur le cercueil pendant la danse funéraire, pour pleurer le mort. Un moment fort pour nous touristes.

    Video à venir

    Puis les hommes transportent les cercueils jusqu’au tombeau. Parfois, ils ne passent pas alors il faut vite élaguer quelques arbres qui gênent sur le chemin.

    Video à venir

    Les cercueils mis en place, on leur joint un sac chacun (avec leurs effets personnels sans doute) et quelques offrandes dont des paquets de cigarettes.

    Video à venir

    Le guide nous propose ensuite d’aller visiter un village de maisons traditionnelles. Les villages traditionnels sont tous identiques. Ils s’articulent autour d’un axe principal, avec d’un côté les habitations et de l’autre, face aux habitations, les greniers à riz, plus petits mais dans le même style architectural. Manu hésite à payer le droit d’entrée à Kete Kesu car nous sommes accueillis avec un portique fleuri et nous pensons arriver dans un piège à touristes. Nous avons simplement la grande chance d’assister à la fin d’un mariage. L’allée principale du village est ornée de bouquets. Les mariés, en costumes traditionnels, se font une joie de se faire photographier en notre compagnie. Les invités sont déjà partis, il ne reste plus que la famille proche qui nous propose alors de manger avec eux. Nous ne nous sentons pas capables d’enchaîner de nouveau un repas, nous acceptons seulement un café mais nous passons un agréable moment en leur compagnie.

    Nous les quittons pour marcher 15 minutes pour rejoindre le site funéraire. Ce qui est caché dans la majorité des civilisations ne l'est pas au pays Toraja, la Terre des Morts, où crânes et os humains font partie du paysage et de la vie. Les demeures funéraires sont creusées dans les falaises rocheuses. Nous y voyons donc d’anciens cercueils (dont certains encore bien conservés) accrochés à la falaise.

    En rentrant, nous nous arrêtons d’abord au Rimiko commander un Pa’piong qui a besoin de deux heures de préparation (de la viande accompagnée de légumes et d’herbes locales cuisant très longtemps dans un bambou). Puis nous traversons un minimarché où des poussins multicolores sont en vente ! Nous retrouvons la même troupe que la veille qui nous permet de passer une soirée en musique.

    Vidéo à venir?

    Dimanche 11 septembre 

    J’ai hier émis le souhait d’aller à la messe. Nous chevauchons notre scooter pour nous rendre à une église catholique où la messe est donnée, nous a-t-on dit, à 8h00. Mais quand nous arrivons, nous pouvons juger que l’heure indiquée n’était pas la bonne car nous voyons tout le monde sortir. En essayant de trouver une solution de secours, notre attention est attirée par des chants. Nous nous garons et nous sommes accueillis dans une grande salle où, effectivement, il y a une messe mais il s’agit d’une cérémonie de l’église « Tiberias », une sorte de secte protestante née en Indonésie il y a une trentaine d’années et qui s’est largement développée sur la base d’une promesse de guérison miraculeuse par les huiles bénites. On est fort bien accueillis. A notre arrivée, on nous remet un petit paquet d’hosties (moi qui ai toujours rêvé d’en avoir plusieurs quand j’étais petite !) et deux petites fioles en plastique remplies d’un sirop rouge que nous prendrons pendant la communion. Le début de la cérémonie est plus qu’entraînant. Le reste est projeté sur grand écran, sous-titré, comme pour un karaoké, ce qui nous permet de chanter aussi.

    Nous allons ensuite retirer le plus d’argent possible car nous savons que nous serons hors distributeur automatique des îles Togian aux Raja Ampat, soit pendant 1 mois et demi. Et comme ils comptent en millions, on a l’impression d’être milliardaires !

    Nous retournons à l’hôtel pour faire l’album de Komodo avant d’aller réserver nos billets de bus pour demain. Pas facile de trouver l’unique endroit qui vend ces billets, une obscure agence nommé "Rappan maramu" que nous cherchons à localiser en demandant l'emplacement à plusieurs reprises, mais on y arrive, à force de persévérance. La boutique étant vide, nous allons acheter de quoi manger dans celle d’à côté en attendant que des locaux, ayant eux aussi besoin d’un billet, se permettent d’aller réveiller le vendeur. Une fois nos billets en poche, nous prenons la direction de Londa pour aller nous balader dans les rizières. Nous n’y croisons pas beaucoup de ces papillons que Manu souhaiterait photographier, mais de jolies scènes d’indonésiens prenant soin de leur buffle.

    Comme nous l’avions subodoré, les musiciens ne sont pas au rendez-vous ce soir. En revanche nous y retrouvons la guide Sri et deux allemandes logés au même endroit que nous avec qui nous partageons des envies futures puisqu’elles se rendent elles aussi aux Togian. Sans le savoir, nous entamons un chassé-croisé de voyageurs qui ne fera que s’affirmer dans les semaines suivantes, jusqu'à changer un peu la teneur du voyage.

    Lundi 12 septembre

    Nos dos ressemblant désormais à une peau de léopard tellement nous pelons, je file acheter de quoi nous soulager dans un mini-supermarché. La vendeuse n’hésite pas une seconde et me conseille une huile, miraculeuse si l’on s’en tient à la notice qui promet de guérir de nombreux maux.

    Nous partons à 9h00, pour une longue route donnée pour 12 heures. Nous en mettrons 15… Même si ce bus est nettement moins confortable que le précédent qui nous a conduit jusqu’à Rantepao, nous avons moyen d’allonger nos jambes et de baisser le dossier de manière significative. Nous nous arrêtons dans absolument tous les villages pendant la première partie de la route. Parfois, des vendeuses montent et proposent du riz ou des friandises. Nous achetons quelque chose de très bon… de là à dire ce que c’est ….

    D’autres fois, c’est nous qui descendons nous dégourdir les jambes, soulager notre vessie, nous remplir l’estomac. Une fois que le conducteur a cessé de servir de postier (souvent, il s’arrête dans les villages pour seulement déposer un paquet), la route se transforme rapidement en piste. Bref, il est minuit quand on nous demande de descendre car nous sommes arrivés à Tentena. Le bus repart, nous laissant sur le bord d’une route avec un couple de hollandais dans nos âges qui ne sait pas plus que nous à quelle distance se trouve un hôtel, ni comment on peut s’y rendre. Quelques scooters ne se font pas attendre pour proposer leurs services. Manu visait l’hôtel Victory, on l’y conduit en premier. Je le suis à quelques minutes près et je me dis que quand même, il ne faut pas être peureux quand on voyage. Me voilà derrière un type que je ne connais absolument pas, sans casque, en pleine nuit, ne sachant pas du tout pour combien de temps. Il s’avère que le trajet dure un certain temps car je dirais que l’hôtel est sans doute à plusieurs kilomètres. Le conducteur de Manu a réveillé la propriétaire de l’hôtel qui du coup est suffisamment réveillée à mon arrivée pour me féliciter sur ma tenue. On est logé dans une petite chambre avec un mandi. Il est très tard, on se couche tout de suite après nous être lavés.

    Mardi 13 septembre

    Nous avons la possibilité de louer un scooter à l’hôtel, ce que nous ne manquons pas de faire. Nous partons, munis d’un plan et des explications donnés par la petite dame de l’hôtel. Les propositions près de Tentena sont limitées. Nous avons prévu de commencer par aller voir une cascade, bien que nous ne soyons pas très fans de ce genre d’excursion. Sur la route, nous traversons « le village balinais », qui est vraiment très joli. De nombreux portiques de fleurs balisent l’unique route, avec souvent des offrandes à leurs pieds. Les maisons sont toutes bien entretenues, des pots de fleurs accrochés aux façades coquettes. Un temple, plus ou moins grand, trouve sa place dans chaque jardin, lui aussi orné d’offrandes.

    Il y a beaucoup de voitures déjà garées sur le parking de la cascade ainsi que beaucoup de scooters. Une fois notre entrée réglée, nous doublons beaucoup de familles locales qui arrivent avec leurs pique-niques pour passer la journée. Nous apprendrons un peu plus tard que c’est férié aujourd’hui car c’est une fête musulmane. Arrivés au but recherché, nous sommes littéralement sidérés par la beauté du lieu. Cette cascade est de la loin la plus jolie chute d’eau que nous n’ayons jamais vue. La batterie du gros appareil photo laisse le temps à Manu de prendre une seule photo de papillon avant de rendre l’âme et malheureusemet c’est la première fois ce matin qu’il se décharge de sa banane contenant la deuxième batterie.

    Nous n’échappons pas aux nombreuses demandes de selfies de la part de la population locale. Au retour, les nuages menaçants depuis la fin de matinée commencent à lâcher de la pluie. Nous arrivons juste à temps pour nous abriter à l’unique petite échoppe du lieu où prenons un lunch. Nous y rencontrons Wisman qui, voyant Manu et ses nombreuses tentatives d’approches de papillons, nous parle d’un endroit en haut de la cascade où les papillons sont nombreux. Photos et vidéos prises par son téléphone portable témoignent de ses propos.

    En quittant ce bel endroit, nous prenons la direction du lac Poso, deuxième point d’attraction des alentours de Tentena. Il est loin de l’axe principal et la piste pour s’y rendre est très mauvaise. Nous ne voyons pas cet endroit sous son plus bel angle à cause du temps couvert mais nous en profitons quand même un moment. Bizarrement, nous y retrouvons, avec les locaux venus le fréquenter, le côté kitsch de Tamchy.

    Nous prenons la route en sens inverse jusqu’au village avec les maisons typiques qui ne nous ont guère inspirés puisque nous ne sommes pas descendus du scooter. Nous allons ensuite aux bassins d’anguilles mais ne pouvant pas les approcher, nous ne voyons pas grand-chose.

    A Tentena, Manu essaie de nouveau de trouver un câble HDMI, en vain. Nous en profitons pour recréditer notre carte téléphonique avant d’aller dîner au Kayuku sur l’excellent conseil de la petite dame du Victory. Vers 22 heures, il y a de nouveaux arrivants à l’hôtel. Manifestement, leur bus a mieux respecté le timing puisqu’ils arrivent à l’heure prévue. Les entendant discuter entre eux, Manu les aborde pour savoir quand et comment ils veulent repartir car nous envisageons de charteriser une voiture. Tentena est une étape quasiment obligatoire entre Rantepao et les Togian.

    Mercredi 14 septembre

    La dame de l’hôtel va se charger d’essayer de nous trouver des gens pour partager le prix d’une voiture d’ici à Ampana pendant que nous retournons à la chute d’eau, en nous arrêtant cette fois à un petit marché qui vend notamment de la chauve-souris grillée.

    Aujourd’hui, le parking de la cascade est désert. Nous ne payons pas l’entrée une deuxième fois en disant que nous avons rendez-vous avec Wisman, ce qui était prévu avec lui si nous décidions de repousser notre départ. Nous déjeunons au même endroit qu’hier. Dans les pas de Wisman, nous montons jusqu’en haut de la cascade, peut-être encore une heure après le point où nous nous étions arrêtés hier. Nous étions loin de nous douter que cette élégante cascade se poursuivait aussi loin. Nous la traversons de nombreuses fois : vive les Crocs ! En revanche, l’endroit aux papillons est un peu désert mais ce n’est pas grave, nous sommes vraiment contents de cette balade.

    Nous traversons le village de Tentena au retour pour nous rendre à un point de vue sur le lac, un peu isolé et d'accès peu évident, près d'une sorte de grande maison abandonnée. De retour à l’hôtel avant d’aller dîner, la petite dame nous annonce fièrement qu’elle a, a priori, déjà trouvé deux volontaires polonais qui veulent se rendre à Ampana. Nous retournons au Kayuku pour dîner et comme tous les hôtes du Victory ont suivi la même consigne, nous retrouvons quelques têtes connues dont un couple de français, les fameux polonais et les deux françaises arrivées hier soir. Elles se tâtent encore pour savoir si elles partent avec nous ou non à Ampana. Arrivés au Victory, elles se sont décidées. Une voiture viendra donc nous chercher tous les six à 2 heures du matin.




    Carnet de Manu

    Ecrit le dimanche 25 septembre

    A partir de la mi-septembre, notre voyage a commencé à prendre un tour différent, moins "hard" sur le plan physique, moins exigeant sur le plan économique et plus agréable sur le plan relationnel. Au moment où la rentrée devait battre son plein en France, où la canicule exceptionnelle de cette année devait nécessairement finir par se disperser dans les premières brumes de l'automne, nous sommes entrés pour notre part dans une phase plus ensoleillée et plus détendue de notre périple.

    Cela a commencé à Rantepao, au coeur de ce que je craignais risquer de ressembler à un gigantesque piège à touristes, et qui s'est révélé à la fois plus original, plus amical et moins fréquenté que je ne l'imaginais. Du coup, pour la première fois depuis notre départ, je me suis trouvé dans la réconfortante position d'être satisfait non pas en-deçà, mais au-delà de mes attentes.

    Alors OK, dès qu'on foule le sol de cette petite ville capitale du pays Toraja, on se trouve abordés par des guides qui ne nous lâcheront pas avant d'avoir fait affaire, OK on croise plus de touristes dans les rues commerçantes qu'on en a vus au total depuis Makassar, mais tout cela se fait dans une bonne ambiance, sans stress, et avec un bon niveau de récompense en termes de dépaysement et de folklore local. J'avais assez bien réussi à intégrer le pays Toraja à notre parcours sans trop gâcher par avance la surprise visuelle en évitant de regarder trop de photographies de ces grandes maisons pointues, donc je savais simplement qu'elles existaient, mais je n'avais que peu d'idées sur le détail de leur construction, leur nombre ou leur usage local. Après les avoir vues "pour de vrai", ce que j'en retiens est qu'elles font effectivement partie du paysage et même de la vie des habitants de la région. Tout cela n'est pas surfait, l'exploitation touristique, réelle, des coutumes locales, ne les empêche par de continuer à structurer la société aujourd'hui comme par le passé. Le pays Toraja n'est pas immense par comparaison avec le reste de l'Indonésie (une poignée de millions de personnes je crois), et cette petite taille a permis la conservation d'une culture spécifique: une langue (tout à fait différente du bahasa indonesia), mais aussi une collection de rites adossés à une mythologie particulière très structurante, dans laquelle la mort semble tenir un rôle (presque?) aussi important que la vie. Ce pays semble assez riche de ressources pour qu'une partie importante de l'activité et de la production de richesse soit consacrée à des activités purement symboliques: construction de greniers monumentaux, cérémonies de mariage et de funérailles démesurées. Le plus frappant pour les occidentaux reste le rapport local à la mort, qui est toujours très présente dans le paysage et les activités. Ce qui peut apparaître à certains comme morbide m'a personnellement plutôt paru à la fois porteur de sens (quitte à se préoccuper de métaphysique, autant que ce soit au travers du culte de morts connus putôt que de divinités improbables) et plutôt esthétique et joyeux. Les couleurs et les formes sont bien choisies, il se dégage des sites funéraires une impression de sophistication et de paix. Bref, le pays Toraja est une destination plaisante pour un voyageur à sensibilité identitaire. Paradoxalement, il l'est également pour les touristes idéalistes à la mode "united colors of Benetton" (il est vrai pas toujours très conscients de leurs propres contradictions), du fait que l'identité bien vécue des autochtones s'accommode sans difficultés et sans complexes des présences et regards étrangers, à telle enseigne que les Blancs sont encore très régulièrement sollicités par d'innombrables "Hello Mister" et presque autant de demandes de selfies, toujours polies et joyeuses.

    Au-delà de la journée introductive un peu obligatoire avec guide et parcours classique à la clé, cette phase du voyage a aussi été l'occasion d'utiliser un mode de transport différent -à Rantepao comme à Tentena-, agréable et très adapté au pays, à savoir le scooter. Ce changement de genre nous a donné un sentiment de liberté bienvenu qui a sans doute concouru à notre opinion favorable sur ces quelques jours.

    C'est aussi la première fois en presque deux mois que nous avons volontairement ralenti notre rythme. Le premier ralentissement de notre voyage, celui de Bishkek, avait été en partie dicté par un impératif de sécurité (être sûr de revenir à temps à l'aéroport) et par des contraintes de circonstances (annulation de notre vol). Celui de Tentena a au contraire été délibéré, certes facilité par le fait que nous avions fini par prendre de l'avance sur notre parcours théorique, mais aussi décidé de manière un peu impromptue, avec à la clé une idée originale: répéter le lendemain une visite plaisante (à la cascade aux papillons) que nous avions appréciée la veille, sans qu'elle soit non plus exceptionnelle, presque histoire de passer le temps, ou au moins de prendre notre temps, sur cette liaison si pénible entre Rantepao et les îles Togean.

    Rétrospectivement, je pense que nous avons passé la bonne durée sur chacun des deux sites, soit environ trois jours à Rantepao et deux à Tentena. Initialement, j'avais pensé loger, au pays Toraja, en dehors de la ville, à Batutumanga, mais compte tenu du planning et de l'éloignement relatif de ce village, cela aurait sans doute été une erreur. A condition de choisir la bonne guesthouse, Rantepao est une petite ville calme et finalement assez rurale, et pour le coup Batutumanga aurait été vraiment très isolée pour une durée aussi courte.

    En revanche ce que nous attendions et qui s'est révélé exact, c'est la difficulté et surtout la longueur des liaisons routières nécessaires à la traversée du Sud Sulawesi. Les heures de bus succèdent aux heures de voiture, et il n'y a pas moyen de passer au travers. Même recourir à l'avion sur certaines sections ne permettrait qu'une résolution partielle du problème. Il faut donc en prendre son parti et prendre acte du fait que Sulawesi est une destination qui ne peut que se visiter lentement et relativement à la dure, et que si l'on n'accepte pas cette réalité il vaut sans doute mieux aller chercher ailleurs d'autres gratifications de voyage.

    Les "J'aime/J'aime pas" de Manu au Sud Sulawesi

    J'ai aimé:

  • Le caractère amical spontané de la plupart des habitants, naturellement souriants et toujours prêts à aider
  • L'ambiance détendue dans l'ensemble des relations interindividuelles, non seulement celles, potentiellement intéressées, avec les touristes, mais aussi et surtout des indonésiens entre eux
  • Le coût de la vie raisonnable, en comparaison de Labuan Bajo (à l'exception des day-tours aux cérémonies funéraires)
  • La facilité de location d'un scooter en bon état et parfaitement adapté aux petites routes de campagne, directement dans les guesthouses et à un tarif très raisonnable
  • Les petits taxis collectifs sous forme de mini-minibus (mikrolet) qu'on peut rès facilement attraper au bord de la route
  • Le très bon état des routes secondaires autour de Rantepao et Tentena
  • Le caractère très convivial des soirées bière et chansons, auxquelles on est très naturellement conviés (par exemple au restaurant Rimiko de Rantepao)
  • Les restaurants pas chers et savoureux, quoique très épicés
  • Les grandes maisons et greniers typiques, ainsi que les cérémonies qui leur sont liées, qui sont suffisamment nombreux et dispersés, des plus anciens aux plus récents, pour que leur existence et leur développement ne soit apparemment pas perturbés par le tourisme
  • La majesté des buffles d'eau, à la robe rose occasionnelle inattendue et à l'encolure surdéveloppée, dont les Torajas sont à juste titre très fiers
  • Le climat très agréable, chaud comme il faut, ne nécessitant tout de même pas de climatisation
  • La faible quantité de moustiques
  • Les Beng-Beng, excellentes petites barres chocolatées très bon marché
  • La bonne qualité des connexions internet via le téléphone portable, à un prix abordable
  • Les sites funéraires avec les tau tau et les ossements +++; les grandes maisons traditionnelles présentes partout dans le paysage +++; Les ballades en scooter, notamment à Batutumanga ++; le marché aux bestiaux ++; la chute d'eau de Tentena ++; la cérémonie funéraire à laquelle nous avons assisté +; Le restaurant Kayuku à Tentena +.
  • J'ai moins aimé:

  • Les petits déjeuners souvent un peu frustes
  • Le très mauvais état de la route entre Rantepao et Ampana, les virages incessants et les dépassements improbables des chauffeurs de bus et de taxi, qui rendent ce trajet à la fois périlleux et pénible
  • L'absence de couvertures, draps ou couettes dans les guesthouses. Quand on dispose d'un linge couvrant, il s'agit d'un simple rectangle de tissu léger toujours trop petit pour être bordé
  • Le bruit dans la rue
  • La difficulté à trouver notre ticket de bus pour Rantepao, et la séquence trop longue de transport (ferry, journée d'attente, bus de nuit) pour atteindre Rantepao
  • Makassar, que nous avons simplement traversée en mikrolet: -; La plage du lac Poso: 0
  • J'ai remarqué:

  • Le nombre très élevé de Français (en général jeunes) parmi les touristes, sans doute la minorité la plus représentée devant les allemands. Les voyageurs parlent pour la plupart bien anglais mais presque aucun n'est anglohone de naissance.
  • Le niveau de vie des habitants de Sulawesi: aucune pauvreté apparente, une population jeune, bien habillée et équipée de téléphonie portable, grignotant souvent un petit snack pour le plaisir. Des maisons parfois rudimentaires, mais adaptées à la vie locale. Bref, une qualité de vie globale qui, en dehors de toute considération monétaire, n'a rien à envier à celle de l'Europe.
  • Si c'était à refaire:

  • Je ne changerais rien au timing général du parcours, ni au choix de nos moyens de transports
  • Je n'arriverais pas à la station de bus de Makassar avant 17h , puisque cela ne sert à rien
  • J'assisterai peut-être à une journée de cérémonie funéraire consacrée aux sacrifices
  • Je me renseignerais davantage sur les tarifs des guides de Rantepao avant de faire affaire
  • Je ne ferais pas l'erreur d'acheter une carte et du crédit téléphonique à Flores sachant qu'ils sont inutilisables à Sulawesi